Est-ce que les chrétiens détestent les athées?
Stéphane Vermette
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Pour certaines personnes religieuses, les athées sont des gens paresseux qui n’ont pas de valeur.
Et si tout cela était totalement faux. Et si la foi et la spiritualité étaient des traits totalement innés chez les personnes. Et si l’acceptation des uns et des autres pouvait conduire à de meilleures relations.
Dans cet épisode, Joan et Stéphane explorent les questions de relations de couple avec des personnes athées, abordent le militantisme et la radicalité des chaque côté du spectre et démontent le mythe que les athées n’ont pas la foi .
* Musique de Lesfm, pixabay.com. Utilisée avec permission.
* Photo de Valeria Lendel, unsplash.com. Utilisée avec permission.
Transcription:
Table des matières
Est-ce que les chrétiens détestent les athées?
Fréquenter un athée
Bonjour Stéphane et merci à l’auditrice qui nous a envoyé cette question, cette question finalement du lien entre, ben c’est vrai, les chrétiens, les chrétiennes et l’athéisme et puis les personnes athées. Ouais, j’ai tout de suite rebondi là-dessus. Je me suis dit, ah ce serait génial qu’on parle de ça et je t’en ai parlé Stéphane.
Parce qu’il y a un running gag dans la famille. Moi j’ai donc trois filles. Pour l’instant, elles se socialisent comme on dit les jeunes en France. Et souvent, nous en tant que parents, on est un peu soucieux de savoir avec qui elle se socialise, quel type de garçon. Et de temps en autre, elles viennent, elles disent « celui-ci, là, j’ai un crush, mais je te préviens tout de suite, il n’est pas protestant ».
Et le running gag, c’est que je leur dis « j’espère qu’il est athée ». Parce que franchement, si c’est un catholique pratiquant, non merci, on va jamais réussir à se mettre d’accord sur les enfants.
Et ça les fait mourir de rire, bien sûr. Alors pourquoi est-ce que je dis ça ? Parce que c’est vrai qu’en fait, finalement, quand quelqu’un a une identité religieuse forte, et que cette identité religieuse a une doctrine hégémonique, ce qui est le cas du catholicisme romain, et je ne dis pas ça du tout contre les personnes qui sont fidèles à cette foi, mais il faut savoir que si l’une de mes filles tombe amoureuse d’un catholique romain, le mariage dans notre Église protestante ne sera pas reconnu par l’Église catholique romaine.
Et donc, pour moi, c’est un problème en soi, parce que ça veut souvent dire que le conjoint fait pression pour que le mariage ait lieu dans l’Église catholique. Et à ce moment-là, si ça a lieu dans l’Église catholique avec un prêtre qui est officier, eh bien, il s’engage, en signant des papiers, à élever les enfants dans la foi catholique.
Et ça, pour moi, c’est éminemment problématique, je dois dire, c’est vrai. Je reconnais ma limite, je ne suis pas totalement toujours hyper progressiste inclusive. Et donc, je leur dis… J’espère que c’est un athée, je préfère que ce soit un athée qu’un catholique.
Des fois, on remercie les personnes athées d’être qui elles sont, parce que pour certaines dynamiques familiales, ça amène moins de nœuds dans la tête. Mais bien sûr, ça va dépendre de quel type d’athée ils sont et quel est leur athéisme. Est-ce que c’est un athéisme progressiste, intolérant, tolérant, inclusif ? Qu’est-ce que tu en dis, Stéphane ?
32e anniversaire de mariage avec une athée
Eh bien, bien avant de te connaître, j’ai suivi tes conseils. Cette année, nous célébrons notre 32e anniversaire avec mon épouse, naturellement, qui est athée. Donc, ça fait 32 ans que monsieur le pasteur est marié à une athée et je trouve que tu débutes avec un très bon point.
Il y a ces athées, ce que j’appelle militants ou radicaux, un peu comme les religieux radicaux. Moi, je trouve que c’est du pareil au même. Ils et elles ont la vérité. Il n’y a pas d’autres possibilités.
Il y a des gens que j’ai déjà entendus, toutes les religions au monde sont comme ci, sont comme ça, c’est des menteurs, c’est des voilà. Puis moi, c’est toujours, hey, félicitations, il y a dix mille religions à travers la planète et tu les connais toutes là, tu les as toutes analysées, bravo.
J’ai la chance que ce n’est pas ça dans ma vie de couple. C’est une personne qui a grandi catholique romain, comme à peu près tout le monde de notre génération au Québec, qui a renoncé à son baptême officiellement et qui ne croit pas. C’est tout.
Les gens nous demandent « mais comment faites-vous pour coexister? » Moi, j’ai dit « c’est dans le respect, là ». Je pense que pour plusieurs couples, c’est la même chose. On n’est pas exactement sur la même longueur d’onde, sur 100% des choses, des valeurs, des façons de faire. Dans notre cas, c’est la religion. Tant que je n’écoeure pas avec ce que je fais et vice versa, ça fonctionne. Je te parle de ma journée de travail, elle me parle de sa journée de travail. Je n’ai jamais demandé d’aller à l’église.
Ça, c’était clair dans ma tête, même à quelque part, entre toi et moi, il n’y a personne qui écoute. Oui, ça restera à l’intérieur du podcast. C’est ça. C’est un peu mon petit jardin secret, la religion.
Donc, moi, j’ai trouvé mon espace dans tout ça, puis même à quelque part, j’ai souvent dit ça, je ne sais pas si je me répète à nos auditeurs du podcast, lorsque j’arrive à la maison à la fin de la journée, bon là avec le confinement et toutes les transformations où je travaille de la maison, peu importe.
Quand la journée de travail est terminée, elle est vraiment terminée. Je ne suis pas encore dans le monde de l’Église. Oui, des fois, il y a des courriels, il y a des mails, des trucs comme ça, des téléphones, mais au moins avec ma famille, j’ai cet espace-là qui n’est pas toujours dans le travail.
Puis moi, ça m’aide beaucoup à garder un équilibre là-dedans. Je sais que ce n’est pas pour tout le monde, mais moi, j’ai trouvé ma place avec mon épouse athée.
L’athéisme hégémonique en France
Et puis j’imagine que ton épouse athée, elle ne l’a pas fait de son athéisme, une forme de religion aussi hégémonique. Absolument. C’est ça, parce qu’en fait, en France, on a tellement régulièrement ce genre de conversation encore dans la sphère publique.
Alors il se trouve que moi, je me trouve en régime concordataire, Alsace-Moselle, tout comme dans le canton de Zurich, il y a aussi cette notion d’église encore cantonale. Donc on est un peu protégés culturellement, d’ailleurs c’est presque un peu gênant, on est protégés presque politiquement en fait.
Mais dans les autres coins, dans d’autres cantons suisses ou bien dans d’autres coins de France, qu’on appelle en France la France de l’intérieur, eh bien, très clairement, des fois, si tu loupes une salle à la mairie et tu dis, voilà, c’est pour l’Église protestante unie de France, on fait venir un conférencier sur le thème du Notre Père, alors hop, tu réserves ta salle, tu payes ton petit truc.
Et après, tu fais ta petite affiche et tu te dis, tiens, mais ça serait peut-être pas mal que ce soit affiché sur la mairie, après tout, ça a lieu dans leurs locaux. Eh bien, il peut arriver qu’on te le refuse. Alors, ça va dépendre toujours un peu des employés, des acquaintances, de qui on connaît, etc.
Mais puisque la loi est de leur côté, c’est-à-dire du fait d’avoir le droit de refuser, eh bien, des gens vont mettre là leur intolérance envers la diversité, envers la diversité de croire ou de ne pas croire et vont dire non, on ne va pas mettre votre affiche. Par contre, pour touer la salle, ils sont là. Moi, ça me rend dingue.
La laïcité au Québec
C’est intéressant. D’abord, c’est un sujet-là parce qu’au Québec, il y a une nouvelle loi qui date de 2-3 ans. Et oui, c’est exactement ça. Tous les salles municipales ne peuvent pas être louées par des églises.
Pendant très longtemps, on a eu une approche d’un État laïque plus anglo-saxonne, où l’État était neutre par rapport à la religion. Tout le monde pouvait faire sa petite religion. On ne prend pas parti, chacun de son côté, mystérieusement, avec la montée d’une présence arabo-musulmane, qui est quand même juste environ 3% au pays, on se rapproche d’un laïcisme à la française.
Donc, on veut effacer la religion de l’espace public. Ce qu’on dit, Dans votre maison, dans votre chambre à coucher, dans votre salon, vous pouvez faire ce que vous voulez. L’espace public doit être neutre, ce qui veut dire athée, aucun signe religieux. Ça démontre comment l’athéisme peut être militante.
Je reviens encore là-dessus. C’est pas juste on est neutre, on ne croit pas. Non, non. On veut convertir les gens à un certain athéisme, comme certains chrétiens veulent convertir les gens au christianisme.
Je crois que c’est ces mouvements-là, c’est ces personnes-là qui mettent de l’huile sur le feu, qui contribuent à cet affrontement entre athéisme et les gens religieux.
Le droit d’être athée
C’est vrai que c’est terrible de penser qu’il y a des pays où on n’a pas le droit d’être athées. Je trouve que finalement, l’énergie contre les religions pourrait être utilisée avec plus d’articles qui dénoncent ces situations. On n’a pas le droit d’être athée.
Par exemple, au Liban, on n’a pas le droit de ne pas avoir de confession religieuse. Que Dieu bénisse le Liban, je ne veux pas du tout m’en prendre au Liban. Ils ont déjà largement ces soucis comme ça. Mais bon, finalement il en va un peu de même aussi en Israël et les pays voisins, mais on ne va surtout pas parler de ça maintenant.
Mais aussi de la plupart des pays arabes ou musulmans, enfin il y a énormément d’endroits sur Terre où finalement tu n’as pas le droit d’être athée. Et j’avais une discussion une foi qui était assez mobilisante je trouve, et au sujet de laquelle je ne me suis pas tout à fait remise, avec des personnes qui s’occupent des chrétiens en Orient.
Et on discutait un peu de toutes ces minorités, et moi c’est vrai que j’ai tendance à, tort ou à raison d’ailleurs, peut-être qu’il y a des auditeurs-auditrices qui vont nous écrire, merci d’avance, j’ai tendance à penser qu’heureusement qu’il y a les Kurdes dans tous les pays moyen-orientaux, proche-orientaux, parce qu’eux ils font avancer le féminisme quand même, qui est un point important pour moi, et
Puis on m’a fait remarquer que les Kurdes athées ce sont les pires, parce que du coup quand il y a une école par exemple protestante, ils viennent, ils te l’apprennent, ils en font une école républicaine et que c’est hyper mal vécu par les protestants moyen-orientaux qui sont une toute petite minorité de rien du tout et qui se sont cassés la nénette pour avoir enfin une école protestante.
Et les Kurdes viennent et leur disent, tout ça, ça va encore apporter des problèmes, les religions, tout ça, on va dire que c’est une école républicaine. Et puis voilà, c’est tout. Donc je trouve ça très, très marrant parce que selon la perspective, bien sûr, les choses sont différentes.
Et je trouve que les athées, pour avoir éventuellement plus d’avancés ici, de faire plus de militance pour défendre un petit peu leur cause, parce qu’il y a tellement de pays où en fait ils n’ont pas le droit d’exister, tandis que par exemple en France ils sont majoritaires, donc je ne comprends jamais trop bien quel est leur combat.
Et puis ça me ramène à la Bible. Et c’est vrai que dans la Bible, j’ai l’impression qu’on ne nous parle pas trop des athées. On nous parle des polythéistes, on nous parle des autres dieux, on nous parle de ceux qui font des va-et-vient. Mais c’est vrai que ce n’est pas trop une notion biblique de ne pas avoir de dieu du tout.
L’absence de l’athéisme dans la Bible
C’est un très bon point. C’est sûr qu’on pourrait dire que c’est un récit écrit et organisé par des gens religieux, donc ils ont une salade à vendre. Si on dit que le salut passe par croire en Dieu, c’est difficile de mettre en place des gens qui ne croient pas en Dieu et qui ont une très bonne vie.
Ceci dit, je pense que cette absence-là est peut-être parce qu’on a toujours de la difficulté lorsqu’on est confronté à l’autre. Quand on regarde l’autre qui n’a pas les mêmes valeurs, une personne religieuse qui regarde l’inertie, la personne athée une mauvaise vie, on dit « Ah, voilà, ça me justifie, j’ai fait les bons choix, blablabla ».
Mais lorsqu’on rencontre une personne athée, qui a des très bonnes valeurs, qui est généreuse, qui réussit bien dans la vie, qui est ouverte d’esprit, bien c’est sûr que ça nous confronte.
Et si on avait tort, et si on se trompe, et c’est ça, je pense, qui fait que beaucoup de chrétiens se braquent parce qu’ils se sentent un peu attaqués. Ils ne reçoivent pas la validation de tous leurs efforts au lieu de se dire, moi je suis croyant, merveilleux, toi tu n’es pas croyante et tu as une belle vie, merveilleux aussi.
Et c’est comme s’il fallait absolument que l’autre soit pareil à soi pour qu’on a l’impression qu’on fasse la bonne chose. Moi, je suis croyant parce que je suis croyant, c’est tout. Je pourrais être la seule personne sur Terre à être croyante, ça ne changerait rien. Bon, je pourrais me sentir seul, ce ne serait pas plaisant longtemps, mais ça ne changerait rien. J’ai la foi, j’ai la foi, c’est tout.
L’athéisme païen
Pendant un temps, je parlais avec une personne que j’ai rencontrée sur les réseaux sociaux. qui m’avait beaucoup intéressée parce que c’est une personne qui se réclamait un peu des fois celtiques, etc., qui aimait faire mention du diable, des démons, voilà, toutes des choses qui pour moi rentrent pas du tout dans mon champ de vocabulaire ou de préoccupation, d’ailleurs en fait j’y pense pas beaucoup.
Mais il m’expliquait que tout ça c’était en fait de l’athéisme païen. Ça m’a beaucoup intéressée cette notion d’athéisme païen. C’est-à-dire qu’en fait, il disait que de son point de vue, nos ancêtres étaient païens, avaient des croyances, mais parce qu’ils ne pouvaient pas expliquer les phénomènes naturels.
Mais ce n’était pas des croyances ancrées dans une foi ou bien dans quelque chose qui serait un système de valeur, mais c’était des croyances culturelles qui les aidaient à supporter les saisons et les difficultés de la vie d’avant. Et donc, il s’estimait athée païen ou païen athée, je ne sais pas.
Et à un moment donné, il m’avait aussi démontré, plein d’articles et de liens et d’études, qu’en fait il y a peut-être une question neurologique ou cérébrale. Semblerait-il, certains d’entre nous ont comme ça la possibilité de créer cérébralement ou neurologiquement cette conception d’une transcendance, tandis que d’autres non.
Alors voilà, il paraît qu’en plus il y a des savants qui s’intéressent à ça et qui expliquent que certains d’entre nous deviennent croyants non pas parce qu’on a fait une rencontre avec le divin ou la divine, mais parce que tout dans nos fonctionnements, notre être intérieur organique, fait que ça nous pousse à ça, mais que d’autres n’ont pas ce genre d’interaction avec des protéines et que c’est, comme je ne suis pas très forte en biologie. Et voilà, ça m’avait ouvert une fenêtre de me dire, ah tiens, il y a des gens qui croient ça.
La foi est-elle innée?
En fait, tu vois, c’est ça, c’est ce système-là de valeur qui, jusqu’à maintenant, m’était inconnue. J’ai entendu parler d’une étude faite aux États-Unis, parce que, bon, ce genre d’études semble toujours être faite aux États-Unis. Où.
On avait scanné les cerveaux de religieuses en état de méditation et essayé de suivre lorsqu’elles rentrent justement dans un état de grâce, dans un état de transcendance. Et ils ont trouvé ce changement au niveau du cerveau.
La question pour moi, c’est toujours l’œuf ou la poule. Est-ce que certains cerveaux sont capables de faire et d’autres ne sont pas capables de faire? Où ce changement arrive lorsque la personne atteint ce niveau-là?
Je ne le sais pas, mais j’aurais tendance à dire, je crois que ce n’est pas donner à tout le monde, d’avoir ce type de relation-là, ce type de sensibilité-là, ce type d’approche-là. Et je ne parle pas juste au niveau des personnes neurodivergentes et tout ça.
Je me demande souvent pourquoi moi et pas un autre. Pourquoi? Moi, c’est tellement évident. Ça va au-delà de l’explication logique. Je ne serais pas capable d’écrire une thèse pour démontrer pourquoi j’ai la foi tellement que j’ai l’impression que c’est ancré en moi. C’est une évidence.
Et je regarde les gens autour de moi. Non, c’est mon épouse. Zéro. Il n’y a rien. C’est zéro. Ce n’est pas un traumatisme d’enfance, de rejet de la religion, des scandales. Elle ne l’a jamais senti.
Cette idée-là de certains chrétiens de dire les athées n’ont pas assez fait d’efforts. Ils sont paresseux, ils sont paresseuses. S’ils ne prennent pas de la bonne façon, j’ai de la difficulté à croire ça parce que moi, je n’ai pas fait d’efforts. C’était là. Je ne pense pas que je suis un surdoué de la foi. C’est juste que c’était là qu’il y a des gens qui n’ont pas ça planté en eux. Ça ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas développer certaines affinités pour la religion.
Mais encore une fois, je fais la distinction entre la foi et la religion. Je pense que la foi, croire à Dieu, croire à quelque chose de plus grand que nous, qu’on n’est pas capable de voir, de nommer tellement que c’est plus grand que nous, je pense que c’est inné.
Les raisons pour se déclarer athée
Effectivement, je me rends compte aussi qu’il peut y avoir plusieurs raisons pour lesquelles les gens se déclarent athées.
Et je pense que toi aussi, en tant que pasteur, tu t’en es rendu compte. Il y a des gens avec qui on parle, dans différentes circonstances, qui te disent « Moi, à la base, je viens d’une famille, ceci, cela. Mais franchement, après ce qui m’est arrivé, je suis bien mieux comme athée. » Et c’est là qu’on comprend bien qu’il y a un lien qui est fait entre la foi et l’expression de la foi.
Et dans cette expression de la foi, il y a beaucoup d’humains, mais de l’humain du pire au meilleur, disons. Et du coup, les gens, forcément, ils ne peuvent pas différencier les deux, c’est impossible. Et s’il y a un trauma, s’il y a du mal qui a été fait, sur lequel on n’a pas pu poser des mots, dont on n’a pas eu l’occasion de pouvoir dénoncer les choses, voilà.
Eh bien en fait on se dit, moi je suis quand même mieux sans religion que dans un truc où on maltraite les gens. Et c’est vrai que l’avantage de l’athéisme justement c’est que c’est un système souple, c’est pas un système organisé.
C’est plein de gens à peu près d’accord sur le fait qu’il ne devrait pas y avoir de dieu ou pas d’institution religieuse. Et puis politiquement, ça prend un petit peu de l’ampleur, surtout dans des pays comme la France et tout. Mais c’est vrai que ça, ça ne crée pas une institution avec des formes de domination et de pouvoir.
Et donc, on ne va pas associer quelqu’un qui va faire du mal au fait qu’il soit athée. Tandis que quelqu’un qui a une confession religieuse, qui exerce des responsabilités dans ce cadre-là et qui fait du mal à quelqu’un d’autre, du coup, ça va être associé. C’est tout à fait cohérent, c’est logique.
Mais du coup, il y a plein de gens avec qui je parle et puis je me rends compte qu’ils ne se posent plus la question tellement de la foi, de la croyance, du lien à Dieu, parce que pour eux, c’est forcément synonyme de trauma et de négatif.
Avoir la foi sans être croyant
Il y a comme une espèce de confusion entre valeurs, foi, et je vois ça pour certains chrétiens qui confondent valeurs et valeurs chrétiennes.
Par exemple, mon fils, je vous fais ça rapidement ici, il y a plusieurs commissions scolaires pour les enfants et il y a une commission scolaire catholique ramène et il y a une commission scolaire publique. La publicité pour la Commission scolaire catholique-romaine, c’est « ici, on enseigne des valeurs aux enfants ». Ah!
Mon fils qui va au public, je me dis « mais quoi, ils n’enseignent pas de valeurs à nos enfants, ils enseignent à égorger des chats, c’est quoi le système? » Mais c’est comme si les athées n’avaient pas de valeur.
Quelques jours avant d’enregistrer cet épisode, je suis tombé sur ce qu’ils appellent en anglais un « cartoon », un dessin. C’est comme deux personnes qui font du porte-à-porte. Ils donnent un dépliant à quelqu’un. La personne dit « Oui, mais il n’y a rien d’écrit sur ton dépliant. » Et les deux personnes disent « Oui, on est à thé. » J’avais trouvé ça tellement significatif. Parce que c’est ça, cette idée-là.
Ces gens-là n’ont pas la foi, mais oui, ils ont la foi en plein de choses, ces personnes athées, mais pas en Dieu. Ils ont des valeurs, mais pas des valeurs religieuses, ils n’ont pas des valeurs chrétiennes.
C’est ces raccourcis-là que plusieurs chrétiens, que trop de chrétiens font. cette conviction que nous avons raison. Cette idée de la célèbre phrase « hors de l’Église, point de salut » qu’on a répétée souvent. Si t’es pas dans l’Église, si t’as pas une foi chrétienne, tu crois en rien, ça peut pas fonctionner.
Au lieu de dire « moi, je veux améliorer notre monde et ce qui nourrit ma motivation, c’est ma foi en Christ. Et toi, c’est une série de principes philosophiques merveilleux. On a de la difficulté encore de créer ces ponts au lieu de s’accuser mutuellement, de reconnaître mutuellement qu’est-ce qui nous nourrit, qu’est-ce qui nous amène à agir et de construire là-dessus.
C’est un petit peu le mot de la fin, je trouve, dans le sens où cette question qu’on nous a envoyée, elle soulève un lièvre, comme on dit, c’est-à-dire ne nous trompons pas de combat. En fait moi en tant que pasteur, toi aussi, ça je le sais on en parle souvent, on ne combat pas celles et ceux qui font des choix en pleine conscience et avec qui justement on partage des tas de valeurs concernant le respect les uns des autres, le fait qu’on ait besoin d’avancer ensemble.
Il y a des luttes qui peuvent nous unir contre les effets du réchauffement climatique, parce que contre le réchauffement climatique, on ne va plus pouvoir faire grand-chose, mais les effets collatéraux. Et pour ça, ce n’est pas du tout une question de religion, c’est vraiment une question de valeurs.
Est-ce que l’athéisme est compatible avec le christianisme ?
Et donc, évidemment, notre réponse à la question, est-ce que les personnes chrétiennes ont un problème avec les athées ou est-ce que l’athéisme est compatible avec le christianisme ?
Complètement, parce que très certainement, on va trouver des valeurs sur lesquelles s’unir et au sujet desquelles avancer, elles sont urgentes, elles sont là, et nul n’a besoin de confesser la même chose pour avancer ensemble.
Par contre, nous, à l’intérieur des églises, on a vraiment besoin de faire attention à notre vocabulaire pour ne pas faire du mal à des gens qui, justement, ne nous demandent rien. Et puis, finalement, si on a tellement envie de rayonner, rayonnons avec nos valeurs, nos valeurs de vivre ensemble, de respect et de tolérance de la diversité.
Merci pour cette question qui est très importante et qui, je pense, va rejoindre des couples comme celui que vous formez avec ta femme. 32 ans, mesdames et messieurs, auditeurs, auditrices, vous voyez, c’est beau. On peut baser son mariage sur une foi commune et ça peut être par exemple la foi en la bonté humaine. Et c’est comme ça qu’on va développer aussi toute notre intériorité.
Conclusion
Merci Johanne. J’espère que ce sujet vous a amené plus de questions qu’à de réponses. T’as raison, c’est un sujet qu’on aborde de peu et qui est pourtant si riche. Merci pour cette conversation Johanne. Merci à l’Église Unie du Canada, notre commanditaire. La fin de la deuxième saison arrive à grands pas. On n’a pas encore décidé si on fait des épisodes spéciaux cet été. On va vous avertir.
Écrivez-nous parce qu’on veut vos rétroactions, on veut vos questions comme aujourd’hui. C’était une question, une suggestion d’une auditrice. On aime ça. Vous nous poussez à aller un peu plus loin, des fois, qu’à notre zone de confort. Merci beaucoup. – Merci. – questiondecroix.gmail.com. Prends soin de toi, Joan. D’ici le prochain enregistrement. Merci, toi aussi.