Comprendre la crèche de Noël
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par Jean Loignon
Ce que la crèche de Noël ne nous dit pas
Noël est la plus importante des célébrations, même au-delà de l’Occident chrétien. Et dans la riche symbolique qu’il a suscitée subsiste encore la crèche. Réelle pour ceux qui se rendent à l’église le 24 décembre, elle est à l’état de souvenirs enfantins pour les générations qui se rappellent la confection à grand renfort de carton et de figurines de l’humble étable où entre un bœuf et un âne naquit l’enfant Jésus avec Marie et Joseph, la cohorte des bergers, des anges et des rois mages. Cette mise en scène de la Nativité se basant sur les Évangiles selon Matthieu et Luc remonte au début du Moyen Âge. L’idée fut incontestablement brillante, puisqu’elle a traversé les siècles.
Quel message ont voulu transmettre les auteurs des Évangiles?
Le récit selon Matthieu s’ouvre avec un drame: Marie est enceinte, alors qu’elle est fiancée à Joseph. La mention de l’Esprit saint n’empêche pas Joseph d’hésiter entre la dénonciation publique avec à la clé la lapidation de la jeune femme ou bien une discrète répudiation, ce qui n’empêcherait pas la mise au ban de Marie. L’intervention de l’ange du Seigneur vient apaiser la situation et Jésus naît à Bethléem. Mais la tension se ravive avec la venue de mages orientaux avertissant le roi Hérode d’un rival messianique. Lequel préfère se prémunir en ordonnant le massacre de tous les enfants récemment nés à Bethléem; Jésus y échappe, au prix d’un exil en Égypte, terre de refuge, mais aussi symbole d’esclavage pour le peuple juif. Et si Joseph revient en Israël, il choisit prudemment de s’installer en Galilée, loin d’une possible vengeance de la dynastie hérodienne.
À cette sombre chronique dominée par l’angoisse, Luc oppose un tout autre récit infiniment plus optimiste: d’abord la conception de Jésus est jumelée avec celle de Jean le Baptiste. L’annonce de la grossesse de Marie par l’ange Gabriel ne suscite ni scandale ni dilemme pour Joseph, mais au contraire glorifie explicitement celle qui porte le futur fils de Dieu. Pleinement actrice de sa grossesse, Marie l’entrelace avec celle d’Élisabeth, mère de Jean et prononce le célèbre Magnificat. Si la naissance de Jésus à Bethléem se fait dans l’exclusion et la précarité d’une écurie, son annonce céleste en fanfare aux bergers et leur hommage enthousiaste viennent compenser et souligner l’accomplissement d’un plan divin.
Comment comprendre l’opposition entre la noirceur du récit de Mathieu et la lumière qui baigne celui de Luc?
Quand bien même nous le voudrions, les récits des Évangiles ne sont pas des biographies du Christ, mais ils répondent à des intentions de leurs auteurs dans des contextes fort différents. Celui de Matthieu est peut-être celui d’une communauté persécutée qui vit son espérance dans la peur quotidienne et conçoit la naissance du Christ à l’aune de cette angoisse. La Nativité selon Luc suggère une communauté plus affirmée, affirmant de façon résolument joyeuse l’accomplissement de la volonté de Dieu et faisant la part belle à une femme, Marie.