Oser un regard différent

Une femme au cheveux long, une problème au temps de l'apôtre Paul.

Paul et les femmes

2 août 2025

Jean Loignon

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L’absence de rôles égalitaires entre les hommes et les femmes dans l’Église est souvent attribuée à l’apôtre Paul. Une compréhension de son contexte socio-historique peut nous aider à mieux comprendre ses écrits.

Paul et les débats de son temps

Paul, juif persécuteur devenu l’acteur majeur du premier christianisme à la suite de sa conversion, fut non seulement un inlassable fondateur d’Églises, mais il en suivait la croissance, répondait à leurs questions et en arbitrait les premiers conflits.

Cela nous vaut les Épîtres du Nouveau Testament, certaines de sa main, d’autres, postérieures, écrites en son nom, l’ensemble constituant une première mise au point doctrinale de la foi chrétienne.

Un des intérêts des écrits de Paul est de nous plonger au cœur des débats qui pouvaient survenir, parfois sur des aspects a priori subalternes, mais jugés assez importants pour justifier un recours lointain!

Ici, dans cet extrait de 1 Corinthiens 11, 2-16 retenu par Théovie pour son cycle « Femmes du Nouveau Testament », il est question de cheveux, de voiles et couvre-chefs…

Des détails, certes, mais capables de susciter des prescriptions et des débats traversant les millénaires.

La chevelure des femmes à Corinthe

De quoi s’agit-il? Dans l’Église de Corinthe, dynamique au point d’être désordonnée et divisée, des femmes prient et prophétisent « en cheveux », sans voile, alors que des hommes se couvrent la tête ou portent les cheveux longs.

Et cela semble contraire aux traditions que Paul se targue d’avoir transmis, même si on peut questionner l’idée de tradition pour une communauté qui a à peine dépassé les vingt ans.

Il déploie un argumentaire varié en rappelant par une habile image ce qui est pour lui l’ordre social divin : de bas en haut, la tête de la femme, c’est l’homme, la tête de l’homme, c’est le Christ, la tête du Christ c’est Dieu.

On reconnaîtra immédiatement un sexisme, niant à la femme une relation directe au Christ. Dans une société où elles sont des mineures à vie, ce propos est une évidence.

Pourtant dans l’Église de Corinthe, des femmes n’agissent pas en mineures, mais en actrices de leur foi, comme dans toutes les Églises que suit Paul. Et cela ne lui pose aucun problème qu’elles prient et prophétisent en public aux côtés des hommes.

En ce sens, Paul défend une avancée féministe majeure, au rebours du judaïsme ou des cultes polythéistes, où les sexes étaient séparés et où les hommes dominaient.

Mais, en tacticien habile, il préfère détourner l’attention sur des détails pratiques et concéder un rappel à l’ordre : les femmes doivent avoir la tête couverte, mais pas les hommes, les cheveux longs sont pour les femmes, les courts pour les hommes.

Une position entre-deux

Un lecteur attentif de la Bible hébraïque pourrait rétorquer que Moïse ou Élie se voilaient avant de rencontrer Dieu (Exode 3, 6b et 1 Rois 19, 13), que les prêtres devaient porter un turban (Exode 28, 4) et que les hommes consacrés à Dieu, comme Samson, arboraient une longue chevelure.

Et aujourd’hui, le port de la kippa s’impose à tout homme entrant dans une synagogue.

Les arguments de Paul relèvent de la convenance et d’une « nature » bien subjective : en fait, il prescrit de se conformer à la normalité ambiante, celle d’une société gréco-romaine, cadre désormais de la croissance des Églises chrétiennes.

Il convient donc de ne pas marginaliser par des gestes pouvant être perçus comme provocateurs.

Ainsi sera sauvé l’essentiel :  les avancées égalitaires entre hommes et femmes.

D’ailleurs, corrigeant sa métaphore initiale des têtes, il rappelle que si la femme est tirée de l’homme (selon la lecture masculine traditionnelle de Genèse 2, 22), l’homme naît d’une femme…

Paul ne cède pas à la tentation d’exclure les femmes de ces nouveaux rôles quitte à faire acte d’autorité et in fine de refuser toute contestation.

On lui pardonnera cet autoritarisme, pour créer une Église, où il n’y a plus ni juifs, ni Grecs, ni hommes libres ni esclaves, ni hommes ni femmes, mais tous unis en Jésus le Christ (Galate 3, 28).

* Originalement publié le 19 mai 2025 dans Région Ouest, EUPDF. https://region-ouest.epudf.org/actualites-5000103/histoire/femmes-en-eglise-lentre-deux-de-lapotre-paul/

Une femme qui se cache les yeux, symbole de la place des femmes dans le temps de Paul.
* Photo de Alexander Gray, unsplash.com. Utilisée avec permission.

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