Les miracles au 21e siècle
Stéphane Vermette
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Avec l’avancée de la science, peut-on encore croire aux miracles de nos jours? Parfois, à trop vouloir expliquer logiquement ce qui est présenté comme miraculeux, nous perdons de vue la présence du mystère dans nos vies. Et si les miracles n’étaient qu’une ouverture aux signes envoyés par Dieu?
Dans cet épisode, Joan et Stéphane réfléchissent sur le lien entre les miracles et la foi des personnes et se demandent qui possède l’autorité pour déterminer la validité d’un miracle.
* Musique de Lesfm, pixabay.com. Utilisée avec permission.
* Photo de Jamie Street, unsplash.com. Utilisée avec permission.
Table des matières
Bonjour, bienvenue à Question de croire, un podcast qui explore la foi et la spiritualité, une question à la fois. Cette semaine, qu’est-ce qu’un miracle aujourd’hui? Bonjour Stéphane, bonjour auditeuriste. Bonjour Joan. Bonjour à toutes les personnes qui nous écoutent.
Le miracle de la papaye
Alors écoute Stéphane, moi on m’a raconté un miracle lorsque j’étais en Afrique.
On était invité et je la nomme parce que c’est positif, enfin ça y est, souvenirs communs. La pasteur Clare Lizold Smeyer et moi, qui est responsable des vocations dans l’union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine, on était invités à manger à une table d’un couple pastoral, d’une famille pastorale.
C’était très généreux comme invitation, on était très très touchés. Et puis, l’une des personnes qui était là, pasteur, nous dit qu’elle a confectionné sa spécialité qui a une spécialité qu’elle estime prophétique.
Alors c’est vrai que nous, faut se rappeler quand même, on est deux blanches européennes, ministres, théologiennes, on commence rarement un repas comme ça, mais on était encore plus touchés en fait.
Et là l’histoire qui arrive est formidable, la chute sera terrible, c’est qu’il se trouve qu’au moment de leur ministère en brousse, comme ça arrive souvent en Afrique, on commence par des ministères en brousse qui sont exceptionnels, enfin, de partir en brousse. Bien sûr, d’un point de vue occidental, c’est très compliqué, mais même d’un point de vue africain, c’est compliqué de vivre en brousse.
Eh bien, il y avait un groupe de visiteurs qui s’est présenté et ils étaient affamés. Simplement, il n’y avait pas eu de ravitaillement depuis un moment, pour différentes raisons, les pluies ou je ne sais plus quoi.
Et donc, il n’y avait plus que des œufs à la maison, des œufs parce que les poules pondent toujours, et de la papaye, mais encore verte.
Et là, le Saint-Esprit a soufflé une recette formidable qui consiste à faire une espèce d’omelette pas trop cuite, avec une espèce de purée de papaye verte, et ça nous était présenté là dans un verre, parce qu’on était aussi des visiteuses exceptionnelles.
Ça rentrait dans toute une discussion, tout un discours d’accueil, et comme si nous aussi on venait de la brousse et on était des visiteuses, enfin c’était très beau, il y avait vraiment une très grande portée symbolique.
Bon, moi, tant bien que mal, je mange un petit peu ce truc. Et puis, la pasteur Claire Rizosmeyer, que j’avais vu tout manger en africain, discrétos, me passe son verre, lors d’un moment d’inattention du couple pastoral, et me dit, mange s’il te plaît, je suis allergique à la papaye, je vais vomir.
Il n’y a pas eu de miracle dans ce cas-là. Non, il n’y a pas eu de miracle. Et donc moi, quand même, j’aimerais dire que j’ai été doublement bénie parce que j’ai pu manger cette recette inspirée du Saint-Esprit, non pas une, mais deux fois.
Ce qui me fait le plus rire dans cette histoire, c’est certainement pas quelqu’un qui vit dans la brousse, avec des conditions de vie complexes et qui cherche l’aide du Saint-Esprit pour accueillir bien vraiment des invités. Ça, je trouve tout à fait normal et qu’on puisse avoir une inspiration alors qu’on a un peu désespéré et estimé que ça nous vient de Dieu et que c’est un miracle que ça fonctionne, tout ça jusqu’ici, c’est tout bon. Enfin, je veux dire, c’est rien.
Mais moi, ce qui me fait rigoler, c’est qu’après, évidemment, j’ai beaucoup charrié ma grande sœur pasteure en disant, ben alors, il fallait demander un miracle. Le miracle ne s’est pas accompli. Comme quoi, tout n’est pas toujours possible.
Le côté mystérieux des miracles
Moi, je trouve que le concept d’un miracle est un peu galvaudé de nos jours. Tout et rien peut être un miracle. Et comment on définit un miracle, justement? C’est peut-être l’une des premières choses auxquelles on doit faire face. Parce que des fois, j’entends des gens dire, bon, le soleil se lève tous les matins, c’est un miracle. Non, c’est de l’astrophysique. Ça s’explique.
Pour moi, un miracle, il y a quelque chose de mystérieux. Il y a des choses qui sont difficiles à expliquer du domaine de l’inexplicable. Donc, comment qu’on peut tirer une ligne? Où doit-on tirer la ligne? Et surtout, qui a le pouvoir de déterminer ceci est un miracle, ceci n’est pas un miracle?
Pour avoir grandi dans l’Église catholique romaine, on comprend que c’est la hiérarchie. C’est le pape ou certains cardinaux ou des comités spéciaux qui peuvent dire « voilà, ceci est un miracle ». Mais lorsqu’on arrive dans des Églises protestantes où il y a une hiérarchie, mais pas vraiment du même type, comment on fait pour dire « ceci est un miracle », « ceci n’est pas un miracle » ? C’est embêtant, moi, je trouve.
La difficulté de discuter de miracles
Moi je te rejoins vraiment sur cette difficulté en fait d’aborder juste le sujet du miracle. Je me rappelle que lors de mon premier stage pastoral, nous on a un stage court qui s’appelle stage d’observation pendant trois semaines. Oh mon dieu ce que j’étais excitée, j’étais trop heureuse de partir en paroisse.
Je croyais que j’allais vivre des trucs fous tu vois. J’avais pas encore compris qu’en fait le ministère c’est comme tous les aspects de la vie quoi, c’est un chemin, des liens, voilà.
En tout cas, j’étais super excitée. Et arrive le moment de la première étude biblique. Tu te rends compte ? La première étude biblique où je vais être là et je vais assister la pasteure. Et j’étais chaude comme la braise.
Et immédiatement, je réalise qu’il y a des paroissiens et des paroissiennes qui ne croient pas au miracle de Jésus dans le texte qu’on est en train d’étudier. Ils n’y croient pas du tout en fait.
Alors, ils parlent de métaphores, d’allégories. Et j’avais déjà entendu ça, c’est juste que là, tout de suite, moi, à cette étape, j’avais envie qu’on parle des miracles et combien c’était bien et important, et il fallait que je fasse avec cette pluralité d’opinions.
Et c’est vrai que là, j’ai découvert qu’il y avait une espèce de ligne de fracture qui part bien des aspects, et bêtement insurmontable, alors qu’il y a aussi plein de ponts entre les personnes plus confessantes qui lisent ces miracles et qui trouvent une si grande source de réconfort ou d’inspiration, qu’elles n’ont pas envie d’être sorties de cette compréhension-là, qu’elles ont envie de rester dans un émerveillement de la foi,
et des personnes souvent plutôt libérales, ou bien déconstruites, ou bien d’autres termes encore, qui disent oui, mais alors il ne faut pas prendre les choses au pied de la lettre, en fait on n’y était pas, bon d’accord, ça c’est vrai, personne n’y était, et qui font toujours le pas de côté de dire, mais le plus important dans cette histoire, ce n’est pas s’il y a eu assez de pain et de poissons, mais c’est le fait que tout le monde a tout mis en commun et patati patata.
Et bon, c’est vrai, oui, on peut aussi voir les choses comme ça. Et c’est OK. Ce qui est juste un peu dommage, c’est que ça devient une espèce de ligne de fracture, en fait, où des deux côtés, on regarde les autres comme si c’était des parfaits imbéciles.
Pourquoi tenter d’expliquer les miracles?
Justement, sur cette affirmation, on n’y était pas. C’est souvent utilisé pour, comme tu dis, déconstruire. C’est rarement utilisé dans l’autre sens. On n’y était pas. Peut-être que ça s’est déroulé de cette façon. Oui, c’est vrai. On ne sait pas.
Et je trouve, dans ces moments-là, peut-être qu’on met un peu trop d’importance sur le mécanisme. Bon, les pains et les poissons, comment qu’avec 5 pains et 2 poissons on peut nourrir 5000 personnes? Et passer justement sur cet acte de foi, qu’est-ce que ça dit?
On parle que Jésus est le fils de Dieu. Tout dépendant de sa christologie, mais si on est le fils de Dieu, est-ce que c’est si compliqué que ça de multiplier des poissons, multiplier des pains?
On parle d’une conception virginale. On peut y croire, on ne peut pas y croire, mais si on croit qu’un Dieu est impliqué dans la création du monde, est-ce que c’est si compliqué que ça de jeter une poignée d’ADN dans l’utérus d’une femme? Dis donc que nos auditories s’attachent à une conception plus virginale de Jésus ne se sentent pas touchées trop fort.
Pourquoi qu’on se limite? Pourquoi que Dieu, pourquoi Jésus, pourquoi l’Esprit Saint auraient les mêmes limitations que nous êtres humains? Ce n’est pas parce que nous ne comprenons pas quelque chose que ceci est nécessairement impossible. Ce n’est pas nécessairement possible.
Mais de naviguer dans le mystère, de naviguer dans l’incertain. Jésus était avec ses disciples, il y avait une grande foule, il y avait du pain, il y avait du poisson, il n’y en avait pas suffisamment. Et d’un coup, il y en a eu suffisamment. Ils ont été dans l’abondance. Est-ce que c’est vraiment important de savoir le comment du pourquoi? ou de se souvenir qu’il y a des choses qui nous dépensent, qui peuvent nous amener dans l’abondance, par exemple.
Le miracle de la communion
Moi, j’aime bien que tu parles de la notion de mystère, parce que c’est vrai que dans la grande famille protestante, les personnes qui se reconnaissent dans la compréhension luthérienne du sacrement, des fois, on est un peu moqués, quoi.
Alors heureusement qu’on a l’aile un petit peu high church des anglicans, qui ont une compréhension encore plus forte que nous du sacrement, enfin… Ouais, ils ont quelque chose de très proche de la compréhension catholique, voilà.
Mais c’est vrai qu’on a cette notion de consubstantiation qui met pas tous les protestants à l’aise. Pas du tout. Et cette notion de consubstantiation, j’arrive même pas bien à le dire, tellement tous ces mots ont été faits une autre époque, elle n’est pas facile à saisir parce que c’est de dire que Jésus est là dans les espèces mais il n’est pas là d’une façon qui soit physiquement détectable.
Donc les espèces sont telles qu’on les voit et Jésus est dedans mais sans que ça ne change rien finalement à leur ADN ou à leur façon d’être là ou quand on les prendra en bouche etc.
Et là c’est vraiment du mystère hyper métaphysique en fait, c’est de se dire Ce que je ne vois pas et ne sens pas est tout de même là. Mais je n’ai pas besoin que les choses soient changées ou transformées pour qu’elles soient tout de même miraculeuses.
Je crois que j’en ai déjà parlé dans un autre épisode du podcast. Je me rappelle une fois, on était à Taizé et un jeune catholique m’a interpellé très très agressivement en me disant en fait je vous ai vu, vous là les protestants, vous êtes le groupe protestant, et vous êtes levés pour aller prendre l’Eucharistie.
J’ai dit oui, voilà, ça fait des années qu’on dialogue avec les frères à Taizé, là c’était un choix, on a laissé chacun individuellement le choix, ça nous a semblé important à ce moment-là d’y aller.
Il me dit mais vous y croyez à la présence réelle, comme nous les catholiques? J’ai dit écoute, moi j’ai adopté plutôt la conception luthérienne, donc oui en fait j’y crois, simplement il n’y a pas de transformation des espèces. Il me dit alors vous n’y croyez pas ?
Et on a eu une espèce de discussion, il avait très très envie de ferrailler parce qu’il trouvait ça inadmissible qu’on ne croit pas à ce miracle-là du sacrement. Et toute autre façon, toute autre petite variation lui semblait invalide et donc il avait l’impression qu’on lui volait en fait l’Eucharistie.
Et c’est un peu ça notre rapport au miracle, c’est que le miracle souvent on aimerait que notre compréhension du miracle devienne très universelle. Et si ce n’est pas le cas, et si les gens voient les choses d’une autre façon, c’est comme si on leur gâchait leur miracle. Et moi, je l’ai senti très très fort, en fait, dans cette discussion. Et c’était hyper dur de désescalader, de désamorcer.
C’était d’autant plus dur, je le dis pour faire rigoler nos auditoristes, qu’il m’a chopé devant les toilettes, le matin, et il m’a fait louper le petit-déj. Franchement, dur, dur, dur.
Les miracles comme manifestation de l’existence de Dieu
Je crois, ce qui est difficile pour certaines personnes lorsqu’on parle de miracle, c’est qu’on associe l’idée du miracle comme l’expression de la foi d’une personne. Je crois en Dieu de la bonne façon, donc je vais recevoir un miracle ou je vais voir un miracle ou faire l’expérience d’un miracle.
Mais moi, ce que je crois, c’est que le miracle est une manifestation de l’existence de Dieu. Et en poussant jusqu’au bout, Dieu peut décider d’un miracle. Et si aucun être humain ne le voit ou en fait l’expérience, ça demeure quand même un miracle.
Nous n’avons pas à décider, on n’a pas à être un médiateur de ces miracles. C’est la main de Dieu, pour prendre une expression consacrée, qui agit dans notre monde, presque indépendamment de nous.
L’importance d’être attentif aux signes
Et cette main de Dieu, moi j’aime bien la voir dans des signes. Moi j’ai une spiritualité, une relation à Dieu, qui est toute pleine de signes. Et c’est vrai qu’il y a quelques jours, je me sentais, je ne sais pas comment je pourrais l’expliquer, ce n’est pas vide spirituellement, je me suis rendu compte que j’étais tellement focalisée sur le démarrage de mon ministère, ce nouveau poste, les ajustements entre l’Alsace et le Canton de Vaud, que j’étais beaucoup moins attentive aux signes.
Et que moi, ça m’assèche d’être moins attentive aux signes. Et en me remettant un peu sur cette focale, en étant plus ouverte à des signes, ça me permet d’encore plus m’émerveiller du quotidien.
Et je me rappelle d’un événement qui est assez fondateur dans ma vie. En 2011, je suis rentrée d’un voyage aux États-Unis et je m’étais rendue compte une fois de plus qu’on vient en Amérique du Nord, il y avait des églises inclusives avec des drapeaux arc-en-ciel sur les Églises.
Et à cette époque-là, c’était mon but ultime dans la vie. J’avais une thèse en route, des enfants à élever, j’avais dix mille trucs. Mais si le matin, là, comme ça, tu me dis, alors, qu’est-ce qui te ferait le plus plaisir ? Je dirais, j’aurais dit un drapeau arc-en-ciel sur une église.
Et là, j’ai dit à mon mari, bon, écoute, il faut que je commence un projet inclusif. Il ne faut pas que j’attende qu’un pasteur senior, parce que moi, j’avais cette espérance qu’un pasteur senior commence ce projet. Je ne vais pas attendre ça. Tant pis, voilà, moi, je suis théologienne junior, mais j’y vais.
Et là je tombe dans notre espace de vie, enfin pas très loin, je tombe sur une crêperie où il y a un drapeau arc-en-ciel sur la porte. Et là je me dis, je vais commencer mon groupe, mon groupe de réflexion, de partage de la foi arc-en-ciel dans cette crêperie.
Et c’est ça qui m’a mis en mouvement et qui m’a amené après à commencer un groupe dans une paroisse et puis ensuite à ouvrir une antenne inclusive. Et puis maintenant, c’est un projet à part entière dans une paroisse du centre-ville de Strasbourg avec une salariée.
Enfin, c’est ce signe-là, à ce moment-là, qui m’a dit, vas-y, mets-toi en route. C’est rien. Et pour moi, c’est beaucoup, en fait.
Les miracles de guérison
Oui, il faut être actif parce que moi, j’ai vu des gens qui sont assis et demandent un miracle. Aller guérir telle personne!
Ça me fait penser, lorsque mon père a eu son diagnostic de cancer, il y a quelques années, dont il est décédé, mais ça fait plusieurs années, on me disait, bon, bien, peut-être que tu pourrais demander à Dieu d’avoir une guérison miraculeuse.
En théorie, je suis pas nécessairement contre, mais ce que je répondais, c’est que mon père a eu son premier cancer en 1973. J’avais trois ans et ça regardait mal. On lui avait plus ou moins dit, bon, il est agriculteur, vend tout comme ça si tu reviens pas de la table d’opération, ton épouse, tes enfants auront de quoi subvenir à leurs besoins. Et il a survécu pendant 28 ans.
Pendant 28 ans, j’ai eu accès à mon père. Et j’avais l’impression de demander une deuxième guérison. C’était un peu comme exagéré. J’ai déjà eu un miracle de connaître mon père parce qu’à trois ans, bon, on est bébé, là. Je ne sais pas.
Peut-être que c’est la façon de voir le miracle, peut-être que c’est la façon d’aborder les choses qui nous permet de voir un miracle, comment on s’implique, comment on s’investit, comment on regarde les choses.
Les gens qui ne semblent pas croire aux miracles
Peut-être aussi, il faut envisager qu’il y a des gens pour qui ça ne joue aucun rôle dans leur spiritualité. C’est vrai que pour moi, je suis devant un abîme de perplexité, ce n’est pas du tout mon cas.
Mais je me dis qu’il y a peut-être des gens qui ont un tout autre rapport à Dieu, au texte biblique, qui voient des choses que je ne vois pas, qui entendent des choses que je n’entends pas, et qui n’ont pas besoin d’avoir des espèces d’aides divines ou des solutions qui s’imposent ou qui pop-up comme ça, qui apparaissent pour se sentir accompagnés sur leur chemin.
Et ce serait hyper intéressant, en fait, de dialoguer avec quelqu’un qui n’en a pas besoin, à qui ça ne parle pas, à qui ça semble vraiment un peu ésotérique.
D’ailleurs, quand je dis ça, je me demande si je ne connais pas quelqu’un comme ça, un pasteur avec qui longtemps j’ai eu une relation de supervision, j’en ai bénéficié. Il y a une fois, je lui ai dit « Ah, tu comprends, avec Amaury, on est un peu angoissé à propos de ci ou ça. » Et il m’a dit « Mais il me semble que vu votre théologie, vous ne devriez pas être angoissé, non ? » Vous savez que Dieu va faire un miracle.
Et du coup, ça m’a fait marrer parce que je me suis dit, moi, alors oui, les gens qui n’ont pas du tout cette approche-là, voilà comment ils nous voient. Ils nous voient comme des gens toujours plus ou moins béats et puis dans la confiance en Dieu. Mais ce n’est pas du tout aussi simple que ça, en fait.
Lorsque les miracles n’ont pas lieu
On peut croire au miracle et être attentif, attentif aux signes et continuer à être rongé par des moments d’anxiété ou d’angoisse, surtout à propos de nos enfants, de l’argent, des points sensibles de la vie, la santé. Mais j’ai bien aimé cette petite pique qui en fait était un débat théologique important.
Lorsqu’on est ouvert, à l’idée des miracles, à l’intervention divine, peu importe sa forme, on peut avoir des moments de doute parce que lorsqu’on prie pour un miracle, le miracle n’arrive pas. Qu’est-ce qui se passe? Est-ce que c’est nous qui ont mal prié? C’est nous qui n’avons pas eu suffisamment la foi?
J’ai fait des visites de personnes en milieu hospitalier qui ont prié et qui ont eu des maladies graves et tout ça. Et qui demandaient, mais pourquoi? Qu’est-ce que j’ai fait de mal ou pas suffisamment bien pour que je sois guéri et que j’ai une bonne santé?
Donc ça peut laisser des personnes profondément troublées, que Dieu semble accorder des miracles à l’un mais pas à l’autre. Ça peut être difficile à vivre.
Demander à son pasteur une guérison miraculeuse
Oui, je me rappelle d’une paroissienne maintenant décédée pour qui j’ai un moment comme ça de souvenir, qui vers la toute fin de sa vie, sont ses forces vraiment diminuées, était rentrée dans un grand élan de colère et m’envoyait constamment des messages sur Messenger en me mettant des vidéos, tu sais, de pasteurs qui performaient des miracles et en me faisant remarquer que ni moi ni mon mari n’avions réussi à la guérir et qu’on n’avait pas essayé assez fort.
Et ça m’avait un petit peu interpellée, j’en avais parlé à différentes personnes et j’avais appris que sa maladie ayant commencé depuis bien trop longtemps, elle avait sollicité des ministres qui eux-mêmes étaient malades à ce moment-là et qui avaient une maladie qui ne s’en était jamais allée. Et elle leur avait dit, mais tu vois, peut-être si tu me guéris, après tu pourrais être guéri aussi.
Il y avait vraiment une foi très forte que peut-être quelqu’un, quelque part, allait recevoir de Dieu ce pouvoir, cette force de la guérir. Et peut-être que c’est ce qui la faisait tenir cette espèce de colère contre tous ces pasteurs qui n’avaient aucun pouvoir dans sa vie. Elle compulsait toutes les vidéos de guérison possibles et imaginables de guérison et elle me les envoyait.
Pourquoi le miracle doit absolument se faire dans un lieu précis?
C’est sûr qu’en Amérique du Nord, on en a de ces pasteurs qui font des grands spectacles, des grands rassemblements et guérit les gens avec l’imposition des mains.
Un jour, je parlais à un groupe d’adolescents et ils m’ont demandé ce que je pensais d’être ça. Et j’ai répondu honnêtement, je ne suis pas contre l’idée. Mais la question que je me pose toujours, c’est pourquoi ces personnes-là ont un pouvoir spécial seulement que dans leur église? Pourquoi ces gens-là ne font pas le tour des hôpitaux pour guérir les gens et économiser des millions à l’État? Moi, c’est ça où j’ai un bémol.
Pourquoi le miracle doit absolument se faire dans un lieu précis?
Et je reviens toujours à cette étude, je ne sais pas si j’en ai parlé ici précédemment, sur les guérisons inexpliquées à travers le territoire français et les miracles de guérison à Lourdes sur une période d’environ 150 ans.
Et statistiquement, l’étude a démontré qu’il n’y avait pas vraiment de différence. Statistiquement. Et naturellement, il y a des gens qui ont dit « Haha, voici la preuve que toutes ces histoires à l’ordre, c’est de la fautaise, c’est de la pensée magique, ainsi de suite. » C’est ça.
Tandis que d’autres ont dit « Mais pourquoi Dieu se limiterait seulement à un endroit géographique? Parce qu’on l’a déclaré sain, parce qu’on l’a déclaré spécial, pourquoi l’action de Dieu ne serait pas universelle, un peu partout. Là, on a un endroit, ça va bien, on peut se rassembler, c’est commode, c’est pratique.
Mais si on croit à l’idée de miracle, est-ce que Dieu en a vraiment quelque chose à cirer, que ça soit un bâtiment consacré? Moi, je ne pense pas, ça peut être partout.
Le lieu des miracles, ça pose la question des pèlerinages aussi. C’est un petit peu la question qu’on s’était posée dans l’épisode sur la Terre Sainte.
Pourquoi est-ce qu’on a besoin d’aller à certains endroits pour ressentir certaines émotions, pour s’identifier à certains textes? Pourquoi est-ce qu’on a besoin de telle assemblée pour recevoir un tel miracle? Pourquoi est-ce qu’on a besoin de tel ministre pour se sentir guéri de telle maladie? Comment ça se fait qu’il y ait des contextes, en fait, à nos spiritualités?
Pour moi, ça reste tout ça des questions vraiment ouvertes, mais c’est vrai qu’en tant que grande fane, aficionnale, vraiment, du culte, je dois dire que moi j’aime le fait qu’il y ait des endroits où ce soit socialement accepté, que je sois un peu dans un état extatique, ou que je sois dans un état de louange, ou que j’ai des émotions comme rire, pleurer, danser. Ça me sécurise, en fait.
Donc ça veut aussi dire quelque chose de ma relation à Dieu. Pour m’autoriser à exprimer ma reconnaissance et une émotion de d’ordre spirituel, j’ai besoin de me sentir en sécurité.
Et le culte, jusqu’à maintenant, c’est un lieu où je me sens safe, où je me sens bien. Donc j’en déduis que c’est peut-être un vécu un peu partagé par d’autres, mais je sais pas, j’aimerais bien les retours de nos auditeuristes à ce sujet.
Accepter l’inconnu et l’inexplicable
C’est peut-être ça qui est difficile pour plusieurs d’accepter cette notion de miracle, d’accepter que l’univers, la réalité, n’est pas défini par notre cerveau. Il y a quelque chose de plus grand, de plus complexe que nous.
Certains appellent ça Dieu, d’autres utilisent d’autres mots et de dire c’est correct que je ne comprenne pas tout, c’est correct que je ne sais pas comment que les cellules dans telle chose se sont réaménagées. J’accepte ce que je ne comprends pas.
Mais puis du coup, ça peut t’amener à accepter ou pas de manger de la purée de papaye verte à l’omelette pas cuite.
Conclusion
Merci Stéphane pour ce temps de conversation sur un sujet sensible qui a peut-être un petit peu heurté des sensibilités, mais vraiment écrivez-nous, parlez-nous-en. On a envie de continuer l’aventure avec vous, alors à tout bientôt. Et merci à la personne qui nous a envoyé cette question. Voici un exemple d’épisode qui est dirigé par vos questions, vos interactions.
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