L’aide médicale à mourir, un rapport de l’Église Unie du Canada
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Points de vue théologiques sur la vie et la mort
Déjà, en 1995, sans que cela mène à une déclaration officielle, la question des choix et décisions en fin de vie avait fait l’objet de discussions au sein de l’Église Unie. Une étude intitulée Caring for the Dying: Choices and Decisions concluait, selon la terminologie de l’époque, que la légalisation du suicide assisté ou de l’euthanasie n’était pas justifiée. En revanche, l’étude dénonçait l’acharnement thérapeutique préjudiciable à la personne malade et réclamait que l’on mette l’accent sur l’amélioration des soins palliatifs.
Vingt ans plus tard, le comité mandaté pour réétudier la question souligne dans son rapport l’évolution survenue depuis – les changements législatifs, l’acceptation publique, les ressources sans précédent de la médecine pour prolonger la vie, la connaissance des effets de la douleur sur le corps humain – et qui demande une certaine adaptation.
LES TENSIONS THÉOLOGIQUES SOUS-JACENTES AU DISCERNEMENT ÉTHIQUE
L’Église souhaite apporter l’éclairage de sa théologie et de sa tradition de foi pour réfléchir à la mort en général et au contexte particulier des décisions de fin de vie.
Le pasteur Gary Paterson, modérateur de l’Église Unie de 2012 à 2015, est cité à cet égard dans la déclaration : « Pour les chrétiens, la vie est un don sacré de Dieu, et elle doit être valorisée et protégée. Mais nous savons aussi que la vie et la mort font toutes deux partie de l’ensemble de l’ordre créé. La vie elle-même n’est pas absolue. La mort ne l’est certainement pas non plus. »
Dans certaines circonstances, reconnaît-on, l’aide médicale à mourir peut être un choix ancré dans la foi. Toutefois, même au nom d’une juste cause, l’aide médicale à mourir exige un discernement éthique. Car chaque être humain a une dignité intrinsèque et une valeur infinie, des qualités reçues de Dieu ; et toute décision de mettre fin à une vie humaine ne peut être dissociée de la contribution potentielle de cette vie à la « dimension tragique » de la condition humaine.
La déclaration de l’Église Unie pousse plus loin le questionnement du point de vue des personnes stigmatisées ou vulnérables : « Il y a des circonstances où le souci d’éviter des souffrances excessives peut l’emporter sur la réticence à enlever une vie individuelle, et l’aide médicale à mourir devient alors une option préférable. En même temps, nous devons nous assurer que les notions sociétales relatives à ce qui constitue “une bonne vie” et “une vie utile” ne poussent pas les personnes à se tourner vers l’aide médicale à mourir. »
LA PRESSION SOCIALE ET LA RÉALITÉ DES PERSONNES VULNÉRABLES
La législation met au premier plan le rôle du patient individuel. L’Église tente de son côté de lier la capacité d’agir de la personne, sur le plan moral, et la vie au sein d’une collectivité : « Le choix de l’aide médicale à mourir doit être la décision libre et éclairée d’une personne qui, avec le soutien et l’accompagnement d’autres personnes, y voit une option parmi d’autres possibilités, et non un choix contraint par l’absence d’autres recours devant une maladie terminale. »
Concrètement, la déclaration de l’Église Unie prévient des distorsions et des abus qui risquent de s’exercer sur les personnes vulnérables : « La coercition peut être très subtile, voire inconsciente, et exploiter la détresse qui découle de la stigmatisation et des préjugés négatifs associés aux handicaps incurables, ainsi que le sentiment de culpabilité perpétué par notre société à l’endroit des personnes ayant un handicap, vues comme un fardeau ou une réalité honteuse. »
L’Église appelle donc à une attention particulière à l’égard des communautés vulnérables (p. ex., les personnes ayant un handicap, les personnes âgées fragilisées, les personnes souffrant de troubles mentaux et celles qui n’ont pas accès à des services juridiques), dont les membres pourraient être forcés à choisir l’aide médicale à mourir. Elle souligne du coup l’importance de prendre en compte les privilèges socio-économiques et leur incidence sur la capacité des personnes de prendre des décisions de fin de vie.
Enfin, le rapport de l’Église Unie sur l’aide médicale à mourir constate que l’accès aux soins palliatifs n’est pas universel au Canada, et que les lacunes touchent particulièrement les régions aux populations vieillissantes à l’extérieur des grands centres urbains, de même que les communautés autochtones.
Source : Aujourd’hui Crédo