Dénoncer les injustices
Stéphane Vermette
- débat
- église
- Église Unie
- injustice
- jeunesse
- militant
- Pasteur-Prêtre
- podcast
Les Églises sont souvent associées aux questions de justice sociale et à la protection des personnes vulnérables. Quel est le coût émotionnel et spirituel associé à toujours dénoncer les injustices? Quelle est la ligne entre prendre la parole et se protéger?
Dans cet épisode, Joan et Stéphane partagent quelques expériences de dénonciation d’injustices et abordent la délicate question des mouvements militants dans notre société.
Site internet: https://questiondecroire.podbean.com/
ApplePodcast: https://podcasts.apple.com/us/podcast/question-de-croire/id1646685250
Spotify: https://open.spotify.com/show/4Xurt2du9A576owf0mIFSj
Contactez-nous: questiondecroire@gmail.com
* Musique de Lesfm, pixabay.com. Utilisée avec permission.
* Photo de Clay Banks, unsplash.com. Utilisée avec permission.
Table des matières
Bonjour, bienvenue à Question de croire, un podcast qui explore la foi et la spiritualité, une question à la fois. Cette semaine, est-on obligé de toujours dénoncer les injustices? Bonjour Stéphane. Bonjour Johanne, bonjour à toutes les personnes qui nous écoutent.
Le défi d’avoir des discussions difficiles
Alors, concernant les sujets un petit peu « touchy », difficiles, complexes, les sujets qu’on qualifie ces dernières années, à tort ou à raison, souvent à tort, parfois un tout petit peu à raison, de woke.
Mon mari, il a une technique, mais alors imparable. Ah oui, oui, oui! En tant que pasteur, si on vient l’interpeller sur un sujet un peu compliqué, sur lequel on lui demande de se positionner, à moins que ce soit sur l’écocide, l’état de la planète dans le sens de l’environnement, de la nature, où là il se sent très légitime puisque c’est un « jardicien », un jardinier magicien, un pasteur qui fait du jardin, eh bien il a une technique imparable que je vous offre, auditrices ou auditeurs aujourd’hui, il répond aux gens, demandez à ma femme.
Bah oui, parce que sa femme, elle est progressiste, elle est de gauche, elle est féministe. Et sur une lutte, ou pratiquement toutes, à part la lutte écolo où il est assez fort, eh bien, il aurait bien peur de dire n’importe quoi ou de pas trop savoir comment se positionner. Et puis bon, il faut reconnaître que ça l’intéresse un peu plus maintenant qu’il a 10 ans, mais ça le passionne toujours pas.
Et donc, du coup, s’il sent que les gens ont besoin vraiment d’avoir une discussion, un feedback, un lieu d’action et d’émotion, il dit : « écoutez, il faut en parler à ma femme, je vais vous la présenter, et vous pourrez avoir une discussion sûrement très satisfaisante ».
La pression d’être la personne qui dénonce
C’est vrai que certaines personnes, et je pense qu’on peut dire nous deux, nous sommes identifiés comme des personnes qui n’ont pas peur de parler, qui n’ont pas peur de dénoncer. Et ça devient quasiment un cliché.
Lorsqu’on a besoin de quelqu’un pour parler publiquement de telle chose, on va demander à M. Untel, Mme Unetelle, à pasteur Untel, et ça met dans une position un peu difficile parce que des fois, on n’a rien à dire, parce qu’on s’attend qu’on soit outré pour tous les sujets chauds et délicats du monde.
Mais des fois, on ne connaît pas. Des fois, on n’a pas une opinion totalement formée. Parfois, on n’a rien à dire. Et c’est cette injonction de toujours devoir parler, toujours être outré, toujours aller au front. Parfois, c’est difficile à assumer.
La pression de dénoncer toutes les injustices dans l’Église
Et puis, j’observe une situation qui est même parfois inversée, c’est-à-dire que des personnes qui, elles-mêmes, ne prennent que très rarement position, alors vraiment très rarement voire jamais, pour être honnête, m’interpellent et me disent : « dis donc, comment ça se fait que tu n’as pas publié sur tes réseaux sociaux à propos de telle ou telle cause ? »
Et tout spécialement quand il s’agit d’un énième scandale d’ordre sexuel dans les Églises. Et puis parfois même on m’interpelle sur le fait que je n’ai pas encore parlé d’un sujet qui n’est pas public. Alors, ça je trouve formidable quand même !
« Comment se fait-il que tu ne te mobilises pas pour la cause de Tartampion, qui a été incorrect envers machin chose, dans tel endroit ? Bon, dis donc, est-ce que tu as une information sourcée? Est-ce que la personne qui est victime t’a demandé de t’adresser à moi ? »
Comment se fait-il que d’un seul coup j’ai un rôle à jouer dans une histoire que je ne connais pas, à propos de gens que je ne connais pas ou pas bien, et en plus je devrais le faire publiquement ? Comment sommes-nous arrivés à cet endroit-là, toi et moi? Explique-moi.
Quand dénoncer les injustices conduit à des critiques
Je crois que c’est particulièrement vrai quand nous sommes identifiés comme des, selon l’expression anglophone, des « social justice warriors », des personnes qui se battent pour la justice sociale.
On s’attend qu’on se prononce, et lorsqu’on se prononce, ça vient avec une série de critiques aussi. Parce que les groupes qui ne se prononcent pas, ça va. On n’est pas dans l’œil du public.
Par exemple, l’Église Unie a développé des positions basées sur des principes de justice. Lorsqu’on parle de la crise au Proche-Orient, l’Église Unie s’oppose à la présence armée à Gaza. Et aussitôt, c’est les accusations d’être antisémites, vous êtes contre Israël, c’est dangereux!
Mais les autres, qui ne disent rien sur tous les morts et tout le sang versé dans cette région. Ils ne subissent pas les critiques. C’est très rare qu’on va dire : « telle Église qui ne se prononce pas, ben là on va la critiquer ». Non.
Ils ont fait une position un peu mitoyenne, « on est contre la guerre, soyons gentils, chantons kumbaya ». Il y a un coût à prendre position, il y a un coût à dénoncer des choses qui sont inacceptables.
Comment le climat actuel influence la dénonciation des injustices
Et d’ailleurs, on en parlait dans une séance avec des collègues, il y a quelques jours. On se rendait compte combien le climat mondial rendait les gens prudents.
Combien ce climat mondial faisait que même les mails, les courriels, que tout le monde s’était forcé ces dernières années à rendre plus inclusifs avec féminin, masculin, voire parfois les points, les tirées, les parenthèses, enfin chacun y allait de son inventivité.
Eh bien ces mails, ces courriels, commencent à revenir progressivement à l’écriture d’avant, à l’écriture qui ne donne pas l’impression qu’on puisse quelque part être considéré comme subversif vis-à-vis de ce nouvel ordre mondial qui est en train de s’installer, conservatisme assez déployé partout, malgré le fait qu’il y ait des forts courants progressistes dans la société, ce qui fait que je ne comprends pas toujours ce qui se passe.
C’est assez intéressant de voir que ça se traduit même dans les courriels et surtout dans des courriels à l’intérieur de l’Église. Et puis, je réfléchis aussi en me disant, les années 2000 ont été un peu l’année des communiqués de presse. Je ne sais pas ce que t’en dis, je ne sais pas comment c’était l’Église Unie protestante du Canada.
Et puis, tout le monde a eu un site Internet et il fallait bien mettre quelque chose sur le site Internet, sinon pourquoi on en a un ? Et comme avant, on ne savait pas trop faire les vidéos, les podcasts et tout. Moi je sais que je viens d’une église, l’UEPAL, qui pendant longtemps a eu une belle tradition de communiqué de presse.
Alors, comme tu dis, parfois c’était des communiqués de presse Israël-Palestine, d’autres fois c’était une famine quelque part dans le monde. Il y avait des communiqués de presse parfois pour se réjouir de quelque chose, parfois pour déplorer autre chose.
Et puis progressivement cette tradition des communiqués de presse a fortement diminué parce que finalement on s’est mis à communiquer d’une autre façon, mais parfois on a carrément arrêté de communiquer aussi. Puis là, j’ai rejoint une Église dans laquelle je souhaite être pasteure, rester un moment, l’Église Évangélique Réformée Vaudoise.
Et puis c’est une Église qui a fait un choix de communiquer essentiellement sur ses propres projets. On est dans une grande refonte qui s’appelle « l’Église 29 ». On essaye de rassurer aussi les gens qui se sentent reliés à l’Église réformée vaudoise. Et puis on veut soigner nos relations avec le canton en priorité après tout. On a une convention avec l’État de Vaud, on s’est engagé sur les quatre domaines de la mission.
Et puis ça pose cette question de la juste place de l’Église dans la société. De comment est-ce qu’on met notre énergie, où est-ce qu’on la met ? Est-ce que c’est en dénonçant, en faisant des communiqués de presse, ou en gardant une partie de son énergie en œuvrant pour finalement conserver ce qui existe, soit le faire grandir, et puis faire d’autres sortes de partenariats un peu moins publics, un peu moins connus ? Ça pose beaucoup de questions, en fait.
Calculer le coût de la dénonciation
J’ai l’impression qu’on vit un moment où plusieurs personnes calculent simplement la notion de coûts versus bénéfices. On peut dénoncer quelque chose et on se demande avant de le faire, est-ce que je vais gagner quelque chose ou est-ce que ça va me coûter quelque chose, personnellement ou mon groupe, parce qu’on appartient à des institutions.
En tant que pasteur, on est membre d’une Église, mais ça pourrait être les mêmes choses pour des personnes qui travaillent pour des grandes sociétés, qui travaillent pour le gouvernement.
Et c’est sûr que l’institution préfèrent que ses membres ne fassent pas trop de bruit, ne brassent pas trop les choses. C’est sûr que c’est toujours plus facile de pointer les autres, de les dénoncer, que de regarder ce qui se passe dans sa cour arrière.
Alors, toutes ces personnes qui se sentent en position de dénoncer quelque chose qu’il ou elle trouve inacceptable, ou d’être un lanceur d’alerte, se demandent « est-ce que je vais nuire à ma carrière? Est-ce que ça va m’empêcher d’avoir un poste plus tard? »
Ça joue toujours, parce qu’on ne veut pas être cette personne qui est associée à l’oiseau de malheur, l’empêcheur de se réjouir. Qu’est-ce qu’on fait quand quelque chose n’est pas beau? Et comment que ça peut être difficile de dire, je vais rien dire, je vais regarder ailleurs parce qu’il faut que je me préserve. Parfois c’est déchirant.
L’épuisement relié à la dénonciation des injustices
C’est sûr que cette notion de se préserver, je n’ai pas été élevée avec. Comme disent les jeunes, je n’ai pas « la ref ». Ce n’est pas que je suis en train de l’apprendre, dans le sens où j’ai toujours su qu’il y avait cette possibilité.
C’est juste que je suis en train de réaliser qu’il y a un temps pour chaque chose et qu’il y a un lieu aussi pour chaque chose. Voilà, il y a un temps et un lieu. Finalement, je n’ai plus envie tellement de revivre ce que j’ai vécu dans les années 2010, autour des grands débats sur l’égalité du mariage pour tous et toutes.
Quand j’arrivais dans une réunion d’Église, j’avais des collègues qui soupiraient. Ils disaient « Ah, elle est là !». Parce que moi, tu pouvais me parler de chaussettes, j’arrivais au mariage homosexuel.
Tu pouvais me parler de tes enfants, je parlais du droit à la PMA. Tu pouvais me parler de n’importe quoi, ça finissait avec la question des persécutions des personnes trans. Et puis alors, le truc horrible qui traumatisait tout le monde, c’était les mutilations des enfants intersexes.
Alors, ça vraiment, je pense que j’ai traumatisé des centaines de personnes dans mes prédications, dans mes intercessions, même dans une séance de catéchisme où il y a un enfant, un jeune qui était fortement impacté par ce que je racontais.
Tout ça tu le réalises après et tu te dis bon, je l’ai fait avec tout mon cœur, je l’ai fait parce qu’il y avait urgence, je l’ai fait parce que je sentais que c’était des personnes qui n’étaient pas entendues, trop isolées, etc.
Mais j’ai plus envie de le faire comme ça, sauf urgence, évidemment, bien sûr. C’est vrai que j’ai plus envie. Parce que les autres commencent à s’inquiéter dès que tu vas parler, tu sais. « De quoi va-t-elle parler d’horrible maintenant? »
L’espoir en la jeunesse
Peut-être qu’il y a aussi l’usure. Souvent, on associe les jeunes à la fougue. Ils ont des positions plus extrêmes, mais avec le temps on développe une certaine sagesse, une plus grande compréhension des choses.
Peut-être, mais peut-être aussi qu’on arrive à un moment où on a tellement dénoncé, ça nous a tellement coûté qu’on n’a peut-être plus cette énergie-là.
Et c’est ça que je pense qui est important dans les Églises, de regarder les jeunes qui arrivent avec toute leur énergie et de pas être un peu le tonton qui dit « Ah c’est beau, c’est beau, merci pour vos idées », mais de dire merci. Merci de dénoncer. Moi, je l’ai fait pendant xx années. Là, je n’ai plus cette énergie-là, mais vous, vous l’avez.
Et c’est peut-être ça qui fait que des institutions comme l’Église continuent à se renouveler, continuent à exister. C’est qu’il y a toujours ce sang neuf, cette nouvelle énergie qui arrive, des gens qui sont prêts à tenir le flambeau, tenir l’étendard bien haut de dire « Ah ça là, c’est notre identité en tant qu’Église ».
Parce que les notions de justice sociale, d’équité, de respect de l’un l’autre, c’est quand même la base du message de Dieu, c’est quand même la base de la proclamation de Jésus. C’est supposé être au cœur de notre identité, d’être là l’un pour l’autre, de protéger les veuves, les orphelins, les sans voix, les désavantagés de notre monde.
Et si on arrive à un certain moment puis que la vie nous a usés, d’avoir ces jeunes-là, ces personnes qui reprennent le flambeau, c’est une source d’espoir.
L’importance de la militance contre les injustices
Et d’ailleurs, j’ai eu un bonheur infini parce que je ne m’y étais pas préparée, j’avais trop de choses dans ma tête, j’avais un tourbillon d’idées. Lorsqu’il y a eu le festival des jeunes en Romandie, donc début novembre, eh bien, d’un coup, ils ont sorti leurs jolies petites pancartes et dans ces pancartes-là, il y en a une qui était inclusivité. Et ça, c’était les valeurs du festival.
Et là-dedans, il y avait l’inclusivité. Et c’est marrant, j’ai pris la photo, etc. Et puis, il y a des gens qui m’ont dit « Ah ben dis donc, tu es arrivé au mois de septembre, et puis tout de suite, tu as implémenté l’inclusivité. » Je dis pas du tout, pas du tout.
Ça, c’est jeune, ils se réunissent depuis deux ans, ils ne me connaissaient pas avant. Et l’inclusivité, c’est quelque chose dont ils ont entendu parler par ailleurs. J’y ai participé par le livre Accueil Radical, mais c’était il y a dix ans ce bouquin.
Donc entre-temps il y a eu une réception, une appropriation, et cette génération-là, elle est déjà persuadée en fait. Peut-être pas dans son entièreté, mais un certain nombre de jeunes de cette génération est déjà persuadée.
Donc si on vient leur parler de militance, de ci, de ça, je pense que souvent on tombe un peu à côté puisqu’elles et eux sont déjà convaincus d’un certain nombre de choses. Mais ce qu’ils et elles veulent, c’est avoir une bonne santé mentale, ne pas tomber tout le temps dans des anxiétés à n’en plus finir, ne pas s’épuiser dans une militance vaine, notamment sur les réseaux sociaux.
C’est aussi une génération qui a envie qu’on les laisse profiter de ce qu’il y a à vivre sur Terre, sans tout le temps leur rappeler qu’ils ont une responsabilité énorme concernant les catastrophes qu’on a en face de nous. En fait, chaque génération a besoin aussi de profiter de ce qu’il y a autour.
Le phénomène du call-out
Je voulais aussi parler de quelque chose que je trouve fascinant, c’est dans les milieux militants, très très militants, vraiment. Je pense notamment aux féministes, progressistes, queers. Il y a eu toute une époque où il y avait « le call-out ». Tu as dû en entendre parler, c’est un mot bien sûr américain, pour dire qu’on dénonce.
On dénonce des gens, des personnes, des groupes, des institutions qui ont mal parlé, mal agi, qui n’ont pas tenu parole, qui n’ont pas fait preuve « d’accountability », comme on dit en anglais, ce mot tout spécial qu’on n’arrive pas très bien à traduire en français.
En tout cas, qui n’ont pas porté leurs responsabilités, qui n’ont pas su se montrer à la hauteur d’eux et qui n’ont pas su être redevables d’eux. Et puis il y a eu tout un moment où dans les milieux militants, tout le monde se faisait call-out. C’était épatant.
Il y a un moment donné, je reçois un courriel de quelqu’un qui me dit : « Attention ! Toi, à l’antenne inclusive, tu risques d’être call-out ». J’ai dit : « Nous, le petit coin là où on fait des prières inclusives chrétiennes et puis des petites conférences sur l’importance d’accueillir tout un chacun et les familles homoparentales, je ne vois pas très bien pourquoi je bénéficierais d’une telle attention. »
On m’a dit oui parce que, tiens-toi bien, le centre LGBTI de Strasbourg avait eu maille à partir avec certains sujets et puis du coup on recevait dans les locaux de la paroisse, une association qui aussi n’avait pas rendu des comptes à propos d’un certain nombre de choses, enfin j’avais pas tout compris, mais semblerait-il que parce qu’on faisait preuve de solidarité en accueillant ou en allant dans des associations partenaires LGBTQ+, on risquait le call-out.
Et là moi j’ai dit écoutez les amis, il va falloir qu’on se mette bien d’accord, nous on est une Église. On est une Église, on fait preuve de solidarité, on accueille les gens, On ne les juge pas. On peut leur dire des choses, on peut les mettre face à leur responsabilité.
Mais notre principe à nous, c’est l’accueil. Donc qu’il y ait call out ou pas, moi, ça ne va rien changer à ma vie. Et plus tard, j’ai découvert que finalement, il y avait aussi tout un courant qu’on appelle le call out éthique. C’est-à-dire une demande très forte à l’intérieur même de la communauté militante queer, LGBTIQ+, féministe, etc. de faire attention aux critères du call-out.
Et parmi les critères du call-out, c’est qu’il ne faut pas fragiliser des gens qui sont déjà très vulnérables. Il ne faut pas leur empêcher l’accès à des endroits. Il faut monter les critères de sécurité en rappelant des règles de vivre ensemble. Il faut peut-être un peu plus être présent, surveiller, peut-être mettre plus de conditions, mais en tout cas, dans cette éthique du call-out c’est de dire, l’idée c’est pas d’isoler des gens qui sont déjà très vulnérables parce qu’ils ont des comportements problématiques.
L’idée c’est de continuer à se socialiser les uns les autres et se tirer vers le haut en ayant des comportements de moins en moins problématiques. Et j’ai beaucoup aimé cette éthique finalement de la dénonciation, ce dont on parle dans cet épisode.
Ne pas exiger la perfection quand nous dénonçons
Là où je trouve qu’il y a une problématique dans certains mouvements militants, c’est de tenter d’identifier qui sont les vrais, qui sont les faux, qui sont les vrais féministes, qui sont les vrais défenseurs des droits LGBTQIA+ parce que mes critères de sélection sont peut-être différents des critères de sélection de l’autre personne et qui dit qu’il a raison ou pas.
C’est très difficile, ces choses-là, et c’est facile de s’embarquer dans une mouvance, dans une certaine logique de dire seulement les plus purs que purs méritent de faire partie et les autres, on va les dénoncer. C’est sûr qu’il y a des choses qu’il faut dénoncer parce que c’est mensonger, c’est pas conséquent.
Un exemple qu’on a ici, au Canada, c’est une nouvelle loi sur les publicités qu’appellent de l’éco-blanchissement. Des compagnies qui disent nous sommes très écologistes, nous faisons des grandes choses, mais c’est pas vrai.
Un exemple qui est ressorti, c’est ce groupe qui a été créé par des compagnies pétrolières au Canada, qui dit « D’ici 2050, notre production va être zéro carbone, il n’y aura pas d’impact. » Et avec l’arrivée de cette loi-là, oups, cette mention-là a mystérieusement disparu de leur site internet.
Je crois qu’il y a place à dénonciation de certaines injustices, de certaines choses qui sont fausses, lorsqu’on proclame une chose et qu’on fait son contraire.
Mais je pense qu’il y a une place pour des gens d’Église d’avoir de la compassion, de comprendre le point de vue de l’autre et de voir peut-être que cette personne-là ou ce groupe est en processus, on peut dire
On n’est peut-être pas d’accord, mais je peux voir que vous faites des efforts. Je peux voir que vous êtes en cheminement vers autre chose. On dirait qu’on sent qu’il faut que ce soit parfait immédiatement ou c’est mauvais. Au lieu de dire, ok, c’est pas ce que j’aimerais, mais peut-être que je peux m’impliquer pour faire avancer les choses, peut-être créer un climat qui va faire avancer les choses.
Et s’il y a des injustices dans ma société, qu’est-ce que moi, je peux faire pour rendre mon quartier, ma municipalité, ma province, mon pays peut-être plus juste? Et de ne pas dire, ben, le gouvernement, il ne fait rien, donc c’est un gouvernement de pourris, il faut renverser ça.
Agir contre les injustices à son niveau
Tu vois, en fait, moi, j’ai presque envie de terminer le podcast, en me disant que tu m’as amenée vers quelque chose qui me fait du bien, de me dire que dénoncer c’est toujours possible, et d’ailleurs des fois ça reste nécessaire.
Mais qu’il y a un travail aussi qui est difficile, vraiment difficile, c’est de changer le climat, de changer l’atmosphère, de changer ce qu’on vit ensemble, de changer la culture de certains lieux, de certains groupes, et que là-dessus en tout cas, j’ai une petite marge de manœuvre et je peux mettre de l’énergie là-dedans.
Et cette énergie-là, elle sera peut-être moins visible, moins clinquante, ça passera moins par les réseaux sociaux, TikTok et compagnie. Pourtant, moi, j’aime bien ça, les réseaux sociaux. Mais ça apportera aussi du fruit et ça évitera peut-être aussi certains dérapages qui risquent en plus d’être dénoncés par d’autres, alors là, catastrophe.
Donc, j’aime beaucoup cette idée de Utilisez la dénonciation quand c’est nécessaire, mais surtout, surtout, gardez beaucoup d’énergie pour changer les choses à notre échelle, changer ce climat entre nous. Dénoncer peut être une façon d’offrir des pistes pour améliorer. C’est vrai.
Et ça peut aussi envoyer un signal fort à celles et ceux qui nous regardent, qui nous écoutent, qui attendent de nous, de ce rôle de vigile en fait, de dire « ah ben alors il ou elle voit cette situation ». Et ça aussi c’est réconfortant et ça peut amener des gens à se sentir en sécurité.
Conclusion
Merci Joan pour cette conversation. Merci à toi. On aime toujours avoir de vos nouvelles. Écrivez-nous questiondecroire@gmail.com. On veut prendre quelques secondes pour remercier notre commanditaire, l’Église Unie du Canada et son site internet www.moncredo.org, qui offre beaucoup de blogs, de podcasts et de vidéos sur des sujets de foi et de spiritualité. À très bientôt, Joan! À très bientôt!
