Oser un regard différent

Lanterne pour la fête de l'Aïd, un fête relié à Abraham.

Abraham et l’aïd el Al-Adha

5 juin 2025

Jean Loignon

  • Ancien Testament
  • Bible
  • blogue
  • étranger
  • Femmes
  • Foi - Pluralité religieuse
  • Salut

Cette année, la grande fête musulmane de l’aïd el-Adha débute la soirée du 5 juin. Les origines de cette célébration sont liées à la famille d’Abraham.

Abraham avait deux fils

La fête de l’aïd el-Adha fait maintenant partie de notre paysage religieux avec ce rituel de l’abattage de moutons qui, en ces temps de bienveillance animalière, la fait souvent sévèrement juger.

Elle commémore le geste d’Abraham/Ibrahim qui accepta la demande divine de sacrifier son fils, avant qu’une offrande – un mouton – ne vienne remplacer l’enfant, Abraham/Ibrahim étant béni par Dieu pour sa foi.

Cette tradition fait évidemment écho au récit biblique antérieur (Genèse 22), racontant avec plus de détails la même histoire d’Abraham avec cette fois son fils Isaac dans le rôle de la victime consentante et sauvée in extremis par un bélier envoyé par Dieu.

Le Coran (Sourate 37, vv. 100-109) très elliptique ne mentionne pas le nom du fils.

C’est une tradition postérieure qui l’identifie à Ismaël.

Retour sur une parentalité complexe

Selon la Bible, Sarah était stérile et à une époque où il n’était pas question d’être sans descendance, elle se résolut à ce que sa servante égyptienne Agar soit enceinte d’Abraham; non sans le regretter au point de la faire chasser dans le désert où Dieu la sauve et lui ordonne de revenir dans ce foyer bancal.

Elle accouche alors d’Ismaël qu’Abraham élève comme son fils (Genèse 16 et 17).

Une famille divisée

Mais une intervention divine permet à une Sarah incrédule d’être enceinte à son tour, et Isaac – l’enfant qui rit – naît.

La vindicte de l’épouse envers une servante désormais inutile la pousse à exiger d’Abraham qu’il chasse à nouveau Agar et son fils, lesquels n’échapperont à la mort dans le désert que par une autre intervention divine, montrant la constance de Dieu à protéger et à bénir toute la descendance d’Abraham, sans exception (Genèse 21, 8-21).

Isaac par son père Abraham et son fils Jacob fait partie des patriarches du peuple d’Israël; Ismaël est celui des Arabes et des musulmans…

Déjà ennemis?

Est-ce que la Bible et le Coran témoignent d’une inimitié entre les deux fils, qui serait comme un fil originel des tensions que nous connaissons que trop? Un fil instrumentalisé pour les justifier? Aucunement.

Le Coran peu porté à la narration d’entre pas dans ces détails et un verset (Genèse 21, 9) note qu’Ismaël s’amuse après la naissance d’Isaac.

La version grecque de la Septante (IIIème s. av JC) et la Vulgate latine (IVème s. ap JC) précisent même que les deux enfants jouaient ensemble.

C’est en fait le regard de Sarah se vengeant d’une humiliation subie et la lâcheté d’un Abraham soumis qui sont à l’origine des destins séparés de deux enfants qui ne demandaient qu’à vivre ensemble avec l’innocence de leur jeune âge.

Une fraternité des Écritures

Paradoxalement, le judaïsme ne souligne pas dans ses fêtes le sacrifice d’Abraham, alors que l’islam en a fait une fête majeure, basée sur le partage du mouton sacrifié et la solidarité communautaire.

Les racines bibliques de l’Aïd nous rappellent alors cette extraordinaire convergence: La Bible habite le Coran, d’Abraham/Ibrahim, Moïse/Moussa, Salomon/Souleyman à Jésus/Issa, Marie/Myriam ou Yahya/Jean le Baptiste; l’islam se reconnaît redevable envers le judaïsme et le christianisme, sans que nous ayons une attitude réciproque.

Et quand un prétendu musulman s’attaque aux juifs et aux chrétiens en tant qu’hérétiques, c’est une partie du l’Islam qu’il tue au nom d’une foi devenue folle.

En ces temps de tragédie sanglante dans le pays d’Abraham, faire mémoire de cette parenté croyante avec ses différences, n’est-ce pas se tourner vers un esprit de paix, qui nous dit… Shalom-Salam?

* Article originalement paru dans Ouest-Infos, journal en ligne de la région Ouest de l’EPUdF, le 12 juillet 2023

Mouton avant de se faire sacrifier à Aïd, une fête relié à Abraham.
* Photo de Mouaadh Tobok, unsplash.com. Utilisée avec permission.

Si vous aimez ce contenu, partagez-le.