Accueillir l’autre comme Jésus nous accueille vraiment
Stéphane Godbout
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Pourquoi, Jésus, tant de divisions? Pourquoi avons de la difficulté à accueillir les personnes différentes?
Table des matières
Le monde que nous habitons est traversé par des lignes de fracture toujours plus visibles : tensions identitaires, rejet de l’étranger, suspicion envers ceux qui ne partagent pas nos croyances ou notre mode de vie.
L’immigration est perçue comme une menace. La diversité religieuse ou culturelle, au lieu de susciter le dialogue, devient trop souvent le prétexte à la peur.
Et même dans les Églises, on observe des crispations autour de ce qui est « orthodoxe », « vrai », « pur », au détriment de l’accueil.
Dans ce climat troublé, une question nous habite : que ferait Jésus aujourd’hui ? Et surtout, que nous demande-t-il de faire, comme disciples ?
Les Évangiles nous offrent des réponses profondes.
Jésus, tout au long de son ministère, franchit les frontières visibles et invisibles, accueille les exclus, refuse de juger selon les apparences, et annonce un Royaume où l’unité ne naît pas de l’uniformité, mais de l’amour radical.
À l’heure où l’intolérance gagne du terrain, l’ouverture n’est pas un luxe : c’est un impératif évangélique.
Jésus, un homme qui franchit les frontières
Jésus ne reste pas enfermé dans le confort de son groupe d’origine. Il ose aller à la rencontre de ceux que la société tient à distance.
Sa rencontre avec la Samaritaine (Jean 4, 1-42) est emblématique : il parle avec une femme, étrangère, d’une autre religion, et lui révèle sa soif spirituelle. Il transgresse les barrières de genre, de religion et de morale, pour honorer en elle une personne à part entière.
Il fait de même avec Zachée, un collecteur d’impôts méprisé par son peuple (Luc 19, 1-10). Jésus l’appelle par son nom et entre chez lui. Cela suffit pour que Zachée s’ouvre et change.
Et quand il touche un lépreux (Matthieu 8, 1-4), Jésus choisit l’amour plutôt que la Loi qui interdit tout contact.
Aujourd’hui encore, ces barrières existent : religieuses, sociales, culturelles, politiques.
Et trop souvent, nous les reproduisons dans nos milieux chrétiens, même inconsciemment. Jésus nous enseigne autre chose : voir d’abord en l’autre une personne, un frère ou une sœur en humanité.
Une tolérance active et incarnée
La tolérance évangélique n’est pas un simple « vivre et laisser vivre ». C’est un engagement du cœur, un refus de juger trop vite, une volonté de tendre la main.
« Ne jugez pas, afin de ne pas être jugés » (Matthieu 7, 1-5) : ce n’est pas un appel à relativiser tout, mais à regarder d’abord notre propre fragilité. Le regard de Jésus est toujours empreint de compassion.
Rappelez-vous la femme adultère (Jean 8, 1-11). La foule veut la lapider. Jésus, sans nier sa faute, renvoie chacun à son propre cœur : « Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre. » Et il conclut : « Moi non plus, je ne te condamne pas. »
Dans un monde où les jugements tombent rapidement – sur les personnes migrantes, musulmanes, queer, athées, ou simplement différentes – ce récit nous questionne. Quelle est notre première réaction : la pierre ou la parole qui relève ?
L’appel de Jésus va plus loin encore : « Aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous persécutent » (Matthieu 5, 44).
L’amour évangélique ne s’arrête pas à nos cercles familiers. Il ose aimer ceux qui nous dérangent, nous menacent même, non pas par naïveté, mais par fidélité au Christ.
Une vision du Royaume radicalement inclusive
Les paraboles de Jésus dévoilent un Dieu qui bouscule nos logiques humaines.
Dans celle du bon Samaritain (Luc 10, 25-37), le vrai « prochain » n’est pas le prêtre ni le religieux, mais l’étranger rejeté. Le Royaume de Dieu se manifeste là où l’amour franchit les murs.
Dans la parabole des ouvriers de la dernière heure (Matthieu 20, 1-16), tous reçoivent le même salaire, quelle que soit leur heure d’arrivée. La justice divine n’est pas comptable, elle est gracieuse.
Et dans le grand festin (Luc 14, 15-24), les invités initiaux refusent de venir. Le maître invite alors les pauvres, les boiteux, les étrangers, ceux qu’on n’invite jamais. C’est une révolution silencieuse : le Royaume appartient aux oubliés.
Aujourd’hui, nos Églises sont parfois tentées de se refermer, d’accueillir « les bons croyants », « ceux qui pensent comme nous ». Mais Jésus nous enseigne une hospitalité large, joyeuse, audacieuse.
Le Royaume n’est pas un lieu de pureté doctrinale : c’est une table ouverte à tous et à toutes.
Ce que cela change pour nous aujourd’hui
Face aux crispations, aux peurs, aux discours qui désignent des ennemis partout, que faire comme chrétien·ne ?
D’abord, être artisan·e de paix (Matthieu 5, 9). La paix ne se décrète pas, elle se construit dans nos gestes concrets : écouter avant de condamner, aller vers l’autre plutôt que de l’éviter, bâtir des ponts.
Ensuite, oser sortir de l’entre-soi religieux. Le témoignage chrétien, ce n’est pas défendre une citadelle, mais vivre une foi incarnée, humble, courageuse. Une foi qui va vers les marges.
Enfin, agir. Dans Matthieu 25 (v. 31-46), Jésus nous rappelle que le vrai critère, c’est l’amour en actes : « J’étais étranger, et vous m’avez accueilli. » Chaque personne accueillie, respectée, accompagnée, c’est le Christ en personne que nous rencontrons.
Et pourtant… est-ce que cela change vraiment quelque chose ?
On pourrait se demander : est-ce que tout cela sert à quelque chose? Est-ce que notre accueil, notre ouverture, notre bienveillance ne tombent pas dans le vide ? Est-ce que tendre la main dans un monde dur, ce n’est pas se faire avoir?
Jésus aussi a été confronté à cette question. Il a guéri, relevé, pardonné… et on l’a rejeté, trahi, crucifié. Mais il a tenu bon. Parce que chaque geste d’amour est une semence de vie. Parce que le Royaume ne vient pas par la force, mais par la fidélité silencieuse.
Aujourd’hui, des gestes discrets changent des vies. Des Églises qui ouvrent leurs portes aux personnes réfugiées. Des communautés qui incluent les personnes LGBTQ+.
Des croyants qui s’engagent pour la justice climatique et sociale, au nom de leur foi.
Ces gestes, même invisibles aux yeux du monde, ont du poids dans le cœur de Dieu.
Et si l’Évangile, justement, était ce refus d’abandonner l’espérance ?
Choisir l’ouverture comme acte de foi
Dans un monde qui se ferme, choisir l’ouverture est un acte de foi. Pas de faiblesse, mais de courage. Un geste prophétique, à contre-courant, enraciné dans l’Évangile.
Car le Christ n’a pas cherché à être protégé. Il s’est donné. Il a ouvert ses bras jusqu’à la croix. Il a accueilli sans condition. Et il nous invite à faire de même.
Que nos vies, nos Églises, nos communautés soient des lieux d’accueil et de résistance à la peur. Non pas par idéologie, mais parce que nous croyons à cet amour plus fort que la mort.
« Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait » (Matthieu 25, 40).
