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Une femme habillé en pasteur avec son étole

Les femmes et leur place indispensable dans l’Église

8 mars 2023
Stéphane Vermette

Stéphane Vermette

  • Bible
  • Femmes
  • Pasteur-Prêtre
  • podcast

Elles représentent la moitié de l’humanité. Pourtant, les femmes occupent souvent un rôle inférieur aux hommes. Cette réalité a été particulièrement présente dans l’Église au cours des siècles. Peut-on s’inspirer de certaines héroïnes de la Bible pour briser un plafond de verre?

Dans cet épisode, Joan et Stéphane se demandent s’il existe encore un plafond de verre pour les femmes dans nos Églises. La question des quotas pour assurer une diversité est abordée. Quelques héroïnes de la Bible sont présentées. L’importance des espaces sécuritaires pour les femmes est expliquée.

Bonjour, bienvenue à Question de croire, un podcast qui explore la foi et la spiritualité, une question à la fois. Cette semaine, quelle est la place des femmes dans l’Église? Bonjour, Stéphane, bonjour à chacune et chacun. Bonjour Joan.

La journée de LA femme

Alors aujourd’hui, nous sommes le 8 mars, Stéphane.

Quand je galérais un petit peu, tu m’as attendu, tu es toujours assez patient avec moi, je suis un peu en retard dans nos rendez-vous. Et puis en fait, je cherchais partout mon casque.

Oui, ben oui, forcément, j’ai un bon casque, alors il est utilisé par les ados de la maison.

Et un peu énervée, j’ai crié, j’ai dit, mais pétard, j’aimerais retrouver ce casque maintenant parce que j’en ai besoin pour enregistrer l’émission, le podcast du 8 mars.

Et là, j’ai chopé ma fille et je lui ai dit, tu sais au moins ce que c’est que le 8 mars?

Et elle m’a répondu, pour m’énerver évidemment, c’est la journée de la femme. « La » femme. La fameuse, celle qu’on cherche partout.

Et ça m’a fait penser un petit peu à cette discussion que j’avais pu avoir avec d’autres femmes blanches qui ont passé un peu de temps en Afrique.

Et moi je leur disais quand même cette mobilisation autour du 8 mars dans les Églises d’Afrique, c’est quelque chose d’exceptionnel.

C’est vrai que c’est beau, il y a toutes les femmes qui ont des paniers, il y a marqué 8 mars, journée de la femme, il y a aussi le nom de l’Église ou de la paroisse, de la communauté, il y a des célébrations, des fois il y a des buffets.

Bon évidemment les buffets, ils ne sont pas préparés par les hommes. Bien sûr!

Mais enfin, il y a un esprit de fête, mais merveilleux. Et puis, une autre femme blanche, donc voilà, ce sont vraiment des avis situés, m’a dit « oui, mais tu vois, j’ai l’impression que ces jours-là, c’est surtout des journées pour rappeler aux femmes qu’elles sont des femmes ».

Et je ne sais pas dans quelle mesure c’est vraiment des journées où on les encourage à s’émanciper, à faire d’autres choses que leur rôle traditionnel de femme, d’épouse, de bénévole à l’Église.

Et moi je n’en sais rien en fait, tu vois Stéphane, je n’arrive pas vraiment à trancher, mais j’aimerais que de temps en autre dans nos Églises, on parle quand même de cette journée-là, peu importe si c’est un peu pour nous essentialiser, mais au moins on se rappellerait qu’on est là concrètement et qu’on est des femmes et puis on pourrait s’en emparer.

Alors moi je le fais dans mes cercles d’Églises dans lesquels j’ai le bonheur de servir. Mais en l’occurrence, j’aimerais bien quand même qu’on en parle un peu plus.

Le rôle des femmes dans les Églises nord-américaines

C’est vrai, on dirait qu’il y a un paradoxe.

Moi, je suis avec l’Église unie du Canada et comme plusieurs Églises nord-américaines, je dirais, les gens dans nos Églises, les gens qui viennent à nos activités, ce sont très majoritairement des femmes.

Il y a encore cette division, les femmes à la cuisine et les hommes qui servent sur les conseils d’administration. Je ne dis pas que c’est exclusivement ça, mais ça reste quand même là.

Et ça pose question parce qu’on a des théologies très progressistes, très ouvertes, mais on dirait que ça ne percole pas jusqu’à la base, jusqu’à la division des rôles, jusqu’aux représentations.

Qui dirige l’école du dimanche? Mais c’est des femmes, c’est surtout des mamans. Les pères sont tout aussi capables, mais sont moins là. Moi aussi, ça me pose question.

Dans l’Église Unie du Canada, si on regarde les personnes qui étudient la théologie, les personnes qui deviennent pasteurs, c’est essentiellement des femmes.

Le leadership est plus féminin qu’il l’était à une autre époque.

Cependant, on a encore ce réflexe-là dans nos paroisses de cantonner les femmes à certaines sphères.

Et je ne sais pas pourquoi. Bon, j’ai une petite idée que c’est le patriarcat, mais quand même.

Une Bible, des femmes

Et tu vois, c’est pour ça que j’ai eu cette grande surprise qui m’a prise vraiment par le revers lorsqu’on a sorti « Une Bible des femmes » avec Élisabeth Parmentier, Pierrette Daviau, qui vient d’Amérique du Nord, du Canada francophone. Cette sœur incroyable, qui est elle-même un exemple magnifique d’une femme libre et libérée.

Et puis il y avait Lauriane Savoie qui vient de sortir son livre, qui part de sa thèse de théologie sur le ministère pastoral féminin en Suisse.

Et c’est drôle parce que ces trois femmes, trois générations différentes, trois milieux confessionnels différents, Elisabeth Parmentier, luthérienne, la soixantaine, Pierrette Daviau, catholique, plutôt plus de 75 ans, Lauriane Savoie, la trentaine, côté réforme et jeune voix.

Elles ont réussi à créer une collective autour d’elles et on a bossé toutes ensemble dans une Dropbox sur des textes bibliques qui parlaient de femmes et de femmes puissantes. Je ne sais pas si j’en ai déjà parlé ici.

Ce bouquin, ce qui est marrant, c’est que la maison de distribution en France, donc la maison d’édition c’est De Borée et puis la maison de distribution c’est encore différent, c’est une maison d’édition plus grosse.

Elle avait dit ouais, écoute. Si on arrive à en écouler 700 exemplaires on peut être content, on ne va pas en imprimer tellement plus parce que tu comprends un combo de femmes dans la Bible, non, mais qui est-ce qui va lire ce truc?

Et là ils en sont à… je ne sais pas combien énième réédition.

Le truc a cartonné, on a gagné deux prix chrétiens. C’est la première fois de ma vie que j’ai gagné de l’argent grâce à un texte. Bref, un miracle quoi, un miracle.

Et puis finalement, cet engouement a fait que j’ai été invitée dans beaucoup de paroisses, j’ai accepté de circuler.

Il y avait beaucoup de femmes, c’est vrai, il y avait un ratio un peu 65-35, 65% de femmes, 35% d’hommes.

Et à chaque fois, il y avait des femmes qui disaient, mais c’est merveilleux que ce soit des femmes qui nous offrent des relectures de passages bibliques sur des femmes de la Bible, parce que jusqu’à maintenant, je n’ai eu accès qu’à des interprétations ou d’hommes.

C’est-à-dire des scholars, des académiciens, ou de femmes qui reprenaient des travaux d’hommes.

Et ça, tu vois, c’est souvent l’angle mort. C’est-à-dire qu’en fait, bien sûr qu’il y a toutes ces collègues qui sont là, bien sûr que l’Église, elle est tout à fait féminisée, mais ce qui continue à faire autorité pour expliquer et commenter les femmes dans la Bible, c’est la parole des hommes.

Et nous, on a attaqué, sans faire exprès, vraiment cet angle mort. Ce n’était pas l’intention première, mais ça faisait partie de l’intention.

Et toutes ces femmes ont été tellement reconnaissantes et elles venaient en nombre.

Pour moi, ça a été une fabuleuse expérience et aussi un lieu d’enseignement parce qu’on aurait dû faire un deuxième volume, Stéphane, qui aurait été une Bible des femmes 2.

Et on aurait eu notre lectorat pour ça. Mais étant donné que plein d’hommes ont dit « Ouais, une Bible des femmes, avec que des femmes, ouais, et nous les hommes et tout », eh bien l’éditeur s’est laissé convaincre et on a fait une Bible pour un des hommes.

Moi, par exemple, je suis très contente avec qui je l’ai fait. Anthony Favier, c’est un homme formidable. On était aussi avec Josselin Tricou, super. Dans tout le bouquin, il y avait Sébastien Doane qui est de chez vous.

Enfin voilà, moi je suis super contente de ce qu’on a fait, mais néanmoins, on n’a pas eu de lectorat. Eh ouais, parce que les hommes qui avaient réclamé un volume pour eux, ils n’ont pas acheté le livre.

Et donc, ça prouve bien quand même que quand on a nos intentions féministes, il faut que l’on continue à les faire et qu’on ne s’arrête pas au regard des hommes. Et ça, c’est très difficile en milieu chrétien.

L’importance d’entendre la voix des femmes

En tant qu’homme, qu’est-ce qu’on a à y perdre si d’autres voix s’expriment? Si elles sont plus visibles, plus audibles, plus présentes dans nos églises, dans nos structures d’institutions, qu’est-ce qu’on a à y perdre? On n’y perd rien vraiment.

Nos privilèges, oui, peut-être notre égo est un peu froissé, mais dans le grand ordre des choses, lorsqu’on regarde l’objectif ultime d’une Église, c’est ce qu’on appelle le royaume de Dieu, ce n’est pas la république des copains.

Est-ce qu’on peut arriver à un grand idéal en laissant de côté la moitié de la population ou en laissant de côté plein d’autres groupes minoritaires ou statistiquement majoritaires? Pourquoi qu’on se coupe de tout ça?

Je comprends, il y a la tradition, il y a l’histoire, mais il faut en arriver à un moment où on se dit, peut-être bien il y a 200 ans, il y a 300 ans, on vit dans un autre monde, on a appris des choses, on s’est ouvert les yeux, mais pourquoi qu’on n’est pas capable de faire ce pas?

Le concept de justice de genre

Et d’ailleurs, ça me fait penser à tous ces départements de « gender justice » qui, moi, m’inspirent beaucoup, donc justice de genre.

Il y a une règle magnifique qui est celle de la Fédération luthérienne mondiale, c’est le 40-40-20. L’idée, c’est de créer un panachage tel qui y a assez de femmes représentées, de jeunes représentés. Voilà donc ils ont créé leur propre système de panachage.

Et puis alors ça fait un peu peur aux autres Églises, on ne sait pas trop pourquoi en fait. Mais du coup c’est une fédération dont les Églises locales grandissent.

En fait c’est incroyable combien elle est inspirante dans son fonctionnement.

Et en plus, au niveau de la base, c’est-à-dire les Églises luthériennes, elles sont en croissance même dans des pays aussi improbables pour moi, qui ne connaissaient pas avant, comme l’Indonésie, comme la Pologne, tout en ne perdant rien de ses objectifs en justice de genre.

L’importance des quotas dans les institutions

On dirait cette idée de recherche d’équilibre sous-entend que si on veut une parité homme-femme, on va être obligé de prendre des femmes qui sont un peu stupides pour arriver à ce quota-là.

Il y en a plein de femmes, peut-être qu’on ne les connaît pas, mais c’est à nous, justement, de les trouver et de créer un climat pour que ces femmes-là puissent aussi lever la main et dire, youhou, j’existe, puis j’ai plein de choses à offrir.

Et je peux comprendre que lorsqu’on voit qu’il y a un groupe où c’est exclusivement des hommes blancs dans la cinquantaine, ça peut être intimidant pour une personne qui ne cadre pas dans cette moule.

Et si on y est, puis on est la seule personne, on a l’impression qu’on est un peu la minorité de service.

Donc, c’est aussi à l’institution de réfléchir.

Est-ce qu’on permet justement à cette diversité de gens d’origine linguistique d’être parmi nous ?

Est-ce qu’une femme a une chance de pouvoir trouver sa place dans nos institutions, dans nos Églises, dans nos comités, sans qu’on lui remette toujours sur le nez, bon, tu es une femme, on ne va pas engager une femme pasteur parce qu’elle va être enceinte bientôt ?

Ah oui, il faut que tu t’occupes de tes enfants. Oui, mais là, les réunions, c’est le soir.

Moi, je n’ai pas ce problème. Mais oui, toi, c’est ta femme qui le fait pour toi. C’est clair.

Il faut réfléchir activement à ce qu’on considère en guillemets « normal ». Et le « normal » souvent, c’est un homme dans la quarantaine, cinquantaine.

L’importance de faire une place aux femmes

Et ça me renvoie à une conversation que j’ai eue il n’y a pas longtemps. J’étais invitée dans un cercle à présenter une Bible des femmes et puis un cercle d’Église.

Et puis on est arrivée justement à cette question de la justice de genre qui est très importante et qui traverse d’ailleurs toute la Bible quand on regarde un peu les histoires qu’il y a dedans.

Et l’une des femmes qui étaient là a dit oui, alors qu’elle a été dirigeante, enfin qu’elle a été assez haut placée dans certaines instances décisionnelles civiles.

Elle ne supportait pas quand d’un seul coup on disait « Ah, à cause des quotas, il faudrait qu’il y ait une femme », parce que vraiment, elle m’a dit, elle trouve que ce n’est pas normal qu’on prenne une femme juste parce que c’est une femme.

J’ai dit « Mais en fait, il y a tellement de femmes maintenant qui sont diplômées et compétentes, qu’il n’y a aucune raison qu’on prenne une femme parce que c’est juste une femme.

On va prendre une femme parce que c’est une femme diplômée et compétente. Cette époque est totalement révolue où on prenait des femmes qui passaient par là, puisque maintenant il y a plus de femmes diplômées que d’hommes.

Mais dans la mentalité, les choses restent bloquées dans les années 80 ou 90.

Et il en va de même un petit peu de notre façon de lire la Bible.

C’est vrai qu’il y a des passages bibliques ou des histoires bibliques, on ne les lit pas pour ce qu’elles sont, c’est ce que nous on a vraiment redécouvert avec cette collective, ce projet collective Une Bible des femmes.

On les lit avec tout ce que la tradition a amené avec, notamment en termes de représentation picturale, de ce qu’on en dit dans les films.

Et il y a même des pasteurs qui prêchent à partir de ce qu’ils savent d’une histoire, plus qu’à partir du texte biblique.

Eve, une femme qui a aidé l’humanité à grandir

Un exemple de ce que tu dis que j’aime utiliser, c’est l’histoire de Ève.

Ève est représentée comme celle qui a causé la chute de l’humanité, c’est elle qui n’a pas su résister à la tentation.

Mais lorsqu’on réfléchit à cette histoire, le fruit, c’était le fruit de la connaissance.

Ève vivait dans le cocon de Dieu. Tout allait bien.

Elle a voulu avoir accès à cette connaissance.

Et parfois je fais le lien, c’est un peu comme nos adolescents, nos jeunes adultes.

Ils et elles peuvent rester dans le cocon parental, une vie de ouate, ou bien découvrir la vie, vivre soi-même, quitter le paradis et devenir des adultes et devenir des êtres humains en part entière.

Donc, on renverse complètement cette idée-là que Ève n’est pas celle qui cause le malheur, mais c’est celle qui initie ce processus où l’humanité grandit.

Rahab, une femme futée

C’est vrai que d’une façon générale, on a du mal à se saisir des histoires bibliques autour des femmes comme d’éléments positifs.

C’est vrai qu’on a toujours ce premier mouvement de chercher des femmes non conflictuelles, des exemples de sagesse et de beauté, des potiches quoi, je veux dire.

Et la difficulté qu’on a aussi, c’est que les femmes ne sont pas souvent représentées comme étant des femmes sages.

Soit ce sont des femmes assez disruptives et parfois on peut avoir du mal avec cet héritage-là.

Je pense tout particulièrement à Rahab, qui est donc dans la généalogie de Jésus. On a du mal à se dire, soit fûtée comme Rahab, parce que c’est vrai que c’est un peu compliqué.

Rahab, elle trahit quelque part ce peuple qu’il a accueilli pour rentrer dans l’Alliance. C’est probablement une tenancière d’un bordel.

Et on a vraiment du mal à dire à nos filles, écoute, voilà, soit fûtée et maligne comme Rahab. Tu vois, ça l’a bien réussi. Elle a réussi à sauver sa famille, son petit clan.

Pourtant, on n’aurait pas de problème à dire, oh là là, qu’est-ce que David est sage, alors que David, il a fait vraiment beaucoup plus de trucs merdiques que Rahab.

Mais quand c’est un homme, c’est de la stratégie. Quand c’est une femme, c’est de l’entourloupe, quoi. Enfin voilà, c’est de la ruse.

Et c’est un peu ça, cette difficulté qu’on a avec les personnages bibliques, je trouve.

Esther, une femme courageuse

L’exemple d’Esther, pour moi, c’est un exemple d’une femme forte, d’une femme courageuse, parce qu’elle est l’épouse du roi, elle est cantonnée dans une certaine position.

Mais elle va défier son époux, elle va défier le roi, sachant très bien qu’il peut lui, au mieux, pas l’écouter, mais plus probablement lui couper la tête, mais elle le fait quand même.

C’est du courage, c’est de la force de caractère!

Je ne comprends pas pourquoi un personnage comme elle n’est pas plus célébré pour montrer aux femmes, aux jeunes filles, comme tu parlais, tu peux être courageuse comme Esther.

On a plein de modèles féminins dans nos bibles, et pourtant, comme tu dis, on retourne toujours à Moïse, à David, à Salomon, et ainsi de suite.

Paul a fait ces merveilleux voyages missionnaires. Pourquoi? C’est parce qu’il était supporté par une armée de femmes qui l’appuyait financièrement au niveau de la logistique, au niveau de l’organisation des communautés de foi qu’il créait.

Mais on revient toujours à Paul, on ne revient pas à Johanne, on ne revient pas à Prisca ou à Junia.

Même Lydie, elle avait sa communauté de foi avant que Paul arrive. Elle était une femme probablement aisée et qui n’avait pas besoin d’un homme pour l’organiser. Elle était déjà une leader au sein de son groupe.

Il y a tous ces exemples-là dans nos Bibles qu’on peut mettre de l’avant et dire « Regardez, elle n’a pas besoin d’un homme pour être valide. »

Créer des sororités

Il y a des moments dans ma vie où je manque tellement de nourriture spirituelle pour me rappeler qu’en tant que femme, je fais partie aussi du plan de Dieu pour l’humanité, ce plan de faire avancer son royaume, que voilà à peu près trois ans, avec une jeune femme étudiante d’anthologie qui s’appelle Juliette et que je salue, on a créé notre sororité.

Et notre sororité, c’est vraiment un lieu où on est des femmes, on a tous des degrés de croyance ou de pratiques diverses et variées, mais on se note des sujets comme ça au fur et à mesure, au fur et à mesure de nos lectures, au fur et à mesure de nos thèmes de prédication pour moi, de nos thèmes d’études pour les étudiantes.

On se les note et on se les partage et on a besoin d’avoir un lieu où on se rappelle les unes aux autres qu’on est précieuses et importantes aussi pour faire avancer le royaume.

Et ça, c’est quelque chose qui me frappe un peu de me dire en fait, mes filles, ça y est, elles arrivent à être des jeunes femmes.

Je les ai invitées avec mon mari à faire partie de cette communauté. Elles ont déjà un pied dedans. Mais il y a encore tellement de mécanismes qui ne sont pas clairs.

Là, par exemple, il y a quelques jours, il y a eu une grosse enquête à la faculté de théologie protestante de Strasbourg.

Une grosse enquête qui est enfin sortie qui a été menée par un collectif qui s’appelle évidemment Clash.

C’est des jeunes étudiantes, mais elles ont bien bossé, ça a été repris, maintenant il va se passer des choses.

Et il y a un prof dans cette fac de théologie protestante, qui depuis longtemps avait des comportements un peu inadéquats, d’inviter à manger les jeunes étudiantes, de tchatché, on se tutoie, et tout ça, malheureusement, ce n’est pas innocent, il y a quelque chose derrière.

Il faut se rappeler que la fac de théologie protestante, c’est un petit pas juste avant l’église, donc dans la tête des jeunes. Elles pensent qu’elles sont dans un environnement safe.

C’est presque l’Église, la fac de théologie protestante, en fait. Et là, on comprend qu’il n’y a rien qui va, tu vois.

Marie-Madeleine n’était pas une prostituée

C’est un peu le modèle que l’Église catholique romaine a proposé, et je parle de ça parce que je vis dans un contexte où l’Église catholique romaine est hégémonique, c’est la vierge ou la prostituée.

Marie versus Marie Madeleine. Il ne semble pas avoir d’autres modèles.

Soit on est cette mère de Dieu asexuée, la foi, l’extase mystique, ou Marie-Madeleine qui est faussement attribuée à la prostitution.

Le nombre de fois que je répète que Marie-Madeleine, telle que véhiculé malheureusement encore aujourd’hui, c’est une construction du 6e siècle où le pape Grégoire le Grand a simulé la pécheresse anonyme accusée de prostitution, Mérite Bethany, Marie-Madeleine, des fois je dis qu’il a tout mis ça dans un blender puis elle nous a donné cette image-là.

Et pourtant, Marie Madeleine, c’est connu, c’était la première à proclamer la résurrection de Jésus.

Néanmoins, toute cette histoire de la sexualité, de la sexualisation des femmes qui rentrent dans l’Église, et on n’est pas capable de dire, on va faire la part des choses ici.

Oui, les femmes ont une vie sexuelle, puis bon, comme les hommes ont une vie sexuelle. Tant mieux pour tout le monde. Et ce n’est pas ça qui nous définit, mais on reste encore dans cette idée-là, dans nos Églises, malheureusement.

Les tabous autour des réalités des femmes

Et d’ailleurs, la question de la menstruation n’est pas du tout réglée chez les protestants non plus.

Bien sûr, on ne va jamais interdire à une femme de prêcher parce qu’elle a ses règles, mais je me rappelle de la stupéfaction d’un collègue, quand une fois j’arrive en réunion, puis tu vois, j’avais ma migraine de menstrues, et il dit ça va je dis écoute je suis venu, mais je vais avoir un peu du mal j’ai ma migraine de menstrues.

Il m’a fait ah ah ah t’es pas obligé de me parler de ça et par contre il y a un type qui est arrivé il avait un problème de dents on a eu droit à tous les détails sur ses dents là dégueulasse.

Un autre il n’y a pas longtemps il s’était bloqué le dos il nous a expliqué je sais pas quoi à propos de son dos et que ça lui irradiait jusque dans le… enfin.

Le corps jusque-là tout va bien, mais toi tu viens t’expliquer que tu as juste une migraine de menstrues et ça semble vraiment très déplacé!

Et tout ça, ça montre qu’en fait on est tolérés dans l’église, nous les femmes, c’est-à-dire qu’on est tolérés pourvu qu’on ne parle pas de ce qui fait notre biologie parfois.

Toutes les femmes ne sont pas biologiquement menstruées. Mais parfois, ça arrive! Et est-ce qu’on peut en parler aussi librement que les dents?

Non. Donc, c’est qu’il y a toujours un tabou, il y a toujours un problème.

Je m’en rappelle d’une collègue pasteur plus âgée que moi. Une fois, j’avais trouvé un beau poème sur les menstruations. Et je l’ai mis sur mon Facebook parce que je me suis dit, je n’ai jamais lu ça de ma vie et ça me touche.

Et elle m’a écrit, ah alors maintenant les pasteurs parlent de tout et n’importe quoi, la prochaine fois que je vais à la selle, je te tiendrai informée.

Et je lui ai dit, tu vois c’est hyper intéressant que tu fasses le lien entre la défécation et la menstruation, ça montre vraiment le statut de la menstruation dans la religion.

Or, d’une certaine façon, on nous essentialise à gogo, comme au début de l’émission je l’ai dit, la fête de la femme, on est là pour produire des enfants, être des épouses, etc. Donc on nous essentialise.

Et d’un autre côté, quand on parle du côté un peu pénible du fait qu’on soit pour la plupart d’entre nous, biologiquement, des femmes, avec les flux qui vont avec, ça dérange.

Donc, en fait, on a toujours un tout petit peu tort, quoi. Il faut toujours qu’on soit défini par le regard dominant, qui n’est pas que le regard des hommes, puisque là, j’ai donné un exemple de femme, qui est aussi le regard des femmes qui ont adopté, finalement, les codes des hommes. Et ça fait beaucoup de monde.

C’est un peu pénible au jour le jour, alors c’est important qu’on ait cette journée, la journée du 8 mars, pour se rappeler, pour célébrer qu’on est des créatures précieuses aux yeux de Dieu, qu’on fait partie de la création, et pas parce qu’on est des femmes essentiellement.

Mais tout simplement parce qu’on est chacune qui on est, femme non biologique, femme non binaire, femme trans, femme qui est fluide.

Voilà, on fait partie dans notre grande diversité de personnes qui se définissent comme femmes ou qui ont été définies par d’autres comme femmes.

On en fait partie et c’est à nous de pouvoir laisser briller notre lumière et donner notre témoignage. Il n’y a personne qui doit le faire à notre place.

Conclusion

Et je crois que sur ces mots, nous allons conclure notre épisode d’aujourd’hui qui portait sur les rôles des femmes dans nos églises. On veut remercier notre commanditaire, l’Église Unie du Canada.

Peu importe la plateforme sur laquelle vous nous écoutez, n’oubliez pas d’aimer, n’oubliez pas de vous abonner, envoyez-nous vos questions : questiondecroire@gmail.com. On en a reçu déjà et on va faire des épisodes très bientôt à la suite de vos suggestions. Alors, continuer, ça nous nourrit beaucoup.

Merci Joan. Merci Stéphane. À très bientôt.

Deux femmes se donnent un câlin dans un hall d'église.
* Photo de Erika Giraud, unsplash.com. Utilisée avec permission.

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