La réputation
Stéphane Vermette
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Notre réputation est déterminée par plusieurs facteurs. Notre genre, notre âge ou notre rôle dans la société influencent la perception des autres à notre sujet.
Dans cet épisode, Joan et Stéphane abordent de front l’influence du genre sur la réputation des gens, abordent quelques histoires bibliques et se questionnent sur la volonté des Églises de gérer leur réputation publique.
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Table des matières
Bonjour! Bienvenue à Question de croire, un podcast qui aborde la foi et la spiritualité, une question à la fois. Cette semaine, la réputation prend-elle trop de place dans nos vies? Bonjour Stéphane. Bonjour Joan. Bonjour à toutes les personnes qui sont à l’écoute.
Être une Jézabel
Moi, j’aime bien ce sujet de la réputation. D’ailleurs, je te l’ai proposé. Et puis, quand j’y pense, j’ai eu le choc de ma vie quand quelqu’un m’a traité de Jézabel.
Alors, pour celles et ceux qui ne savent pas, Jézabel est une princesse phénicienne, fille d’Ithobaal, roi de Tyr, et puis elle a épousé un roi, le roi Achab, qui a été un roi d’Israël. Et en venant en Israël, elle a introduit des cultes, des divinités païennes, Baal, Astarté, et puis ça a provoqué la colère du prophète Élie.
Semblerait-il qu’elle ait persécuté les prophètes des dieux et manipulé son mari pour faire exécuter Naboth, un homme juste, pour s’emparer de sa vigne. Alors vue comme ça, on se dit, ouh là là, elle n’est pas terrible cette Jézabel.
Mais moi, en fait, c’est que tout simplement, un, je ne connaissais pas son origine, la première fois qu’on m’a traité de Jézabel. Deux, je ne savais pas que c’était une insulte dans un certain monde chrétien, notamment évangélique.
Et quand j’ai demandé, parce que bon, quand tu ne sais pas que c’est une insulte, tu me dis d’accord, c’est quelqu’un de bien, elle est belle, elle vit où? On m’a dit, mais non, en fait, c’est une femme qui a une très mauvaise réputation, c’est une manipulatrice.
Si je t’ai traité de Jézabel, c’est parce que c’est le terme qu’on utilise lorsqu’il y a des femmes qui se font passer pour chrétiennes, mais qui en fait sont là pour manipuler les gens et leurs maris. Et là, je me suis rendu compte qu’en fait, Jézabel, elle avait une super mauvaise réputation.
C’est pourquoi, lorsqu’on a fait la collective « Une Bible des femmes », l’une d’entre nous s’est intéressée finalement à ce personnage de Jézabel. Elle s’est rendu compte que, certes, elle était qui elle était, je veux dire, elle avait ses cultes, ses divinités, elle est venue avec en Israël, ma foi, c’est comme ça, tu as une culture, tu viens avec.
Mais tout ce qu’on dit d’elle, c’est-à-dire qu’elle a complètement manipulé son mari, etc., c’est un petit peu approximatif, dans le sens où finalement, elle aussi, elle a été manipulée par son mari.
Aujourd’hui, on verrait les choses d’une façon un petit peu différente. On se rendrait compte qu’entre eux, ils avaient une relation… qui était franchement toxique et qui amenait à la mort de pas mal de personnes. En l’occurrence, de tout réduire à Jézabel, c’est une mauvaise lecture biblique.
Et souvent, ça arrive. C’est-à-dire qu’on décide qu’une des personnes dans l’histoire, c’est celle qui aura la mauvaise réputation. On ne traite jamais les hommes… Moi, je n’ai jamais entendu dire « ouais, voilà, espèce d’Achab ». Et moi, ça m’interroge sur ces notions de réputation et je vois que même dans la Bible, c’est très genré. Alors, je ne sais pas ce que tu en penses.
C’est très intéressant parce que se faire traiter de Jézabel dans mon milieu, ça a une autre connotation. Jézabel est perçue comme une femme facile, une prostituée, une femme qui donne des faveurs sexuelles à gauche et à droite, pour aucune raison biblique, autre qu’il y a un passage où elle se maquille et se fait belle pour affronter ses ennemis. Une perception d’un aspect physique peut jouer sur la réputation.
Je me souviens lorsque j‘ai débuté mon discernement pour le ministère avec l’Église Unie du Canada… juste pour mettre en contexte, le discernement c’est avant les études en théologie, c’est avant d’être déclaré candidat, c’est lorsqu’on se dit « Ouais, bon, peut-être, pasteur, ça pourrait m’intéresser. » Il y a un cercle de discernement qui aide à identifier quelles sortes d’appels qu’on a.
J’étais dans ce processus et une personne dans ce cercle m’a fait le commentaire sur mon habillement et la façon dont je me tenais lorsque j’étais assis dans les bancs d’église pendant le culte et que ce n’était pas très chic ou ce n’était pas vraiment pour quelqu’un au discernement, il faudrait s’habiller mieux, il faudrait se tenir mieux.
Et encore une fois, j’étais la même personne que six mois auparavant, mais là oh! c’est comme si j’avais changé de statut et qu’il fallait que je fasse attention à ce que je dégageais, à ce que je projetais. Si un candidat au ministère est comme ça, qu’est-ce que les gens vont dire sur nous et tout ça?
Ça tient à peu de choses, effectivement, tout ce côté-là de réputation qu’on peut avoir envers les autres ou ce qu’on lit dans la Bible, par exemple.
La réputation basée sur le regard des autres
C’est vraiment intéressant parce que tu vois, c’est toujours un peu genré, c’est-à-dire que toi, ça va être comment tu tiens dans le banc, et puis si tu as mis vaguement quelque chose qui ressemble un peu à un costard, un truc un peu BCBG.
J’ai eu un choc aussi dans ma vie étant jeune femme de jeune pasteur, au fin fond d’une vallée à Sainte-Marie-aux-Mines, je salue celles et ceux qui nous écoutent, et une paroissienne qui est décédée depuis lors, que j’avais invitée pour un petit drink pour mon anniversaire.
Tu es au fond de la vallée, tu as des enfants qui sont tout petits, personne n’a trop envie de venir te rendre visite parce que c’est loin de la ville. Tu trouves ça sympa d’inviter des paroissiens et des paroissiennes.
Puis j’avais une tenue un peu, je ne sais pas, je devais la trouver bien cette tenue. En tout cas, elle inclut un décolleté. Et elle m’a reprise devant tout le monde. Elle m’a dit « oui, non, mais voilà vraiment quand on est femme de pasteur ça ne se fait pas de mettre un décolleté comme ça et puis d’une façon générale les chrétiennes doivent être pudiques », etc.
Dans le fond, moi, je n’étais pas contre. Simplement, c’était le jour de mon anniversaire et je n’aurais pas pensé qu’on allait me parler de ça.
Et puis, je crois que j’en ai déjà parlé dans le podcast, mais j’aime bien cette anecdote qu’Amaury était parti en formation, je ne sais où, et à ce moment-là, on hébergeait un jeune homme à la maison. Et il m’a accompagnée pour faire les courses, parce qu’avec la poussette, le truc, le machin, c’était bien que quelqu’un m’accompagne.
Et il y a une paroissienne qui, me croisant dans la rue, me dit « fais attention, tout le village est en train de te voir avec ce jeune homme et on sait qu’Amaury n’est pas là ». Et moi, je me demandais, je dois faire attention à quoi? Ah, au regard des autres. OK.
Les standards élevés imposés aux pasteurs et pasteures
J’ai entendu cette phrase dans un film, malheureusement, j’ai oublié le titre, qui disait essentiellement le pasteur ou la pasteure doit incarner ce que les paroissiens ne peuvent pas être.
Il y a comme un standard différent que lorsqu’on est dans une certaine position, on doit être le fantasme, dans le sens de dire le chrétien parfait ou le pasteur ou la pasteure parfaite.
Je me souviens au collège théologique, on a eu une grosse discussion, là, et c’était sérieux, sur lorsqu’on est pasteur dans une petite municipalité au Canada, est-ce qu’on peut aller acheter de l’alcool dans sa municipalité? Ou faut-il aller dans la ville lointaine?
Parce que si on va dans sa municipalité, les gens vont nous voir acheter de l’alcool. Ils vont commencer à dire qu’on est des alcooliques, qu’on a un problème de boisson.
Et moi, je pensais à ça. On est une Église libérale. Le mouvement de tempérance de notre Église a disparu depuis trois quarts de siècle, je pourrais dire, mais nous avons encore peur de la rumeur, comme tu dis, la perception des autres.
Au lieu de dire, ben, si un paroissien ou une paroissienne nous voit acheter de l’alcool, ben, ils et elles sont là aussi à acheter de l’alcool.
Donc, il n’y a pas un gros problème, mais ça parle beaucoup de comment on doit incarner cette espèce d’idéal et qu’on doit travailler pour ne pas décevoir cet idéal-là, qui est totalement artificiel et construit.
Quand les questions de genre influencent la réputation
Je me rends compte aussi qu’il y a une grande différence dans les attentes entre la réputation d’une femme et celle d’un homme. Bien sûr, nous, on parle de ce que l’on connaît, toi et moi, le milieu un peu ministériel, c’est-à-dire pasteur, diacre, dans les ERRV, animatrice et animateur d’Église.
Dans un milieu qui longtemps a été clérical, eh bien, je me suis rendue compte qu’une pasteure qui divorce une fois, donc chez nous, c’est-à-dire dans mon Église d’origine, en Alsace-Moselle, la demande, c’est que si tu divorces, tu changes de paroisse. Tu as un nouveau départ, en quelque sorte.
Eh bien, c’est assez fréquent qu’on ait entendu ces dernières années « Ouh là là, elle est divorcée, attention, elle va séduire les hommes de la paroisse. »
Par contre, un pasteur divorcé, même plusieurs fois, et ça à ma grande stupéfaction ces dernières années, même dans les milieux évangéliques, ce dont on va parler, ce n’est pas de sa capacité de séduction. Ça, je n’ai jamais entendu parler de ça.
C’est du fait que vraiment, il n’a pas eu de chance parce qu’il a dû se séparer de sa femme qui n’était pas assez chrétienne, pas assez pieuse. Et un pasteur a besoin d’une femme très engagée, très régulière à l’Église, et ça je l’ai entendu d’une façon massive.
Et donc cette différence de discours entre femmes et hommes dans le ministère au moment d’un divorce dit beaucoup des réputations qu’on fait aux gens. Une femme va être dans la séduction, un homme va être un pauvre petit canard abandonné par une femme pas assez pratiquante.
Mais qu’est-ce qu’on en sait du niveau de pratique des femmes de pasteur qui sont divorcées en fait? Pourquoi est-ce qu’on part du principe que c’est ça le problème? Et voilà, moi c’est quelque chose qui commence à me turlupiner et qui commence un petit peu à m’agacer dans le fond, tu vois.
Quand le conjoint influence la réputation
Ce que tu racontes me rappelle une anecdote. C’était ma première charge pastorale. À l’époque, j’avais des problèmes de santé et physique un peu mentaux. J’étais entre des médicaments. Il y avait des journées qui étaient beaucoup plus difficiles. Il y avait des dimanches que j’ai dû annuler. J’en avais parlé au conseil de la paroisse. Ça allait.
Et un jour, la personne qui était mon lien au conseil de paroisse m’appelle et me dit «Bonjour Stéphane, comment ça va?» «Ah oui, j’ai une bonne journée, ça va, merci.»
Elle parlait et je sentais qu’elle tournait autour du pot. Et là, à un moment, j’ai dit Qu’est-ce que tu me veux, là? Qu’est-ce que tu veux demander que tu ne me dis pas? » « Ben, j’étais à l’épicerie et quelqu’un m’a dit que ta femme t’avait quitté. »
J’ai répondu, je crois qu’elle ne le sait pas elle-même parce qu’elle est dans la cuisine et elle cuisine des biscuits.
Lorsqu’on parle de pauvre petit pasteur, puis ça doit être sa femme, que tout le monde savait qu’elle était athée, qu’elle n’allait pas à l’église, qu’on ne la voyait pas les dimanches. Et oui, voilà.
Je me souviens d’avoir eu des commentaires que peut-être que je n’étais pas un si bon pasteur si je n’étais pas capable d’inspirer la foi de mon épouse et que je tolérais que mon épouse soit athée.
Oui, je crois que pour certains c’est une question de réputation, et ce qui me fatiguait beaucoup, ce n’est pas ma réputation à moi ici, c’est la réputation de mon épouse ou moi par la bande. On ne disait pas «Stéphane, tes réflexions ce n’est pas terrible, tes études bibliques, ça ne vaut rien ».
Non, non, non, non, c’est ton épouse, elle n’est pas une bonne croyante, donc tu ne dois pas être si bon que ça.
Le concept de Himpathy
Écoute, c’est pour ça que j’ai beaucoup aimé ce terme de « himpathy », ce néologisme anglais qui combine « him », « lui » et le terme « pathy », en référence au terme « sympathie » en fait.
C’est dans le livre de la philosophe Kate Manne, qui s’appelle « Down Girl: The Logic of Misogyny », qui définit ce terme comme la sympathie excessive parfois déployée à l’égard des hommes, notamment auteurs de violences sexuelles. Mais disons des hommes de pouvoir, en quelque sorte.
Cette himpathie, elle n’existe que très rarement pour les femmes. Elle doit exister pour des femmes particulièrement admirées, des femmes qui ont beaucoup d’influence ou de pouvoir, mais c’est beaucoup moins généralisé pour l’instant que pour les hommes.
Et ça me fait penser à des discussions, mais je crois que j’en ai déjà parlé dans d’autres moments, c’est vraiment, je dois reconnaître l’une de mes maraudes, les discussions que j’ai déjà pu avoir avec différents théologiens sur le roi David.
Alors ce roi David, finalement, c’est quelqu’un qui devrait avoir une très mauvaise réputation, qu’il a vraiment aligné les grands n’importe quoi. Il avait cette espèce d’appétit sexuel, ce besoin de dominer, ce besoin de posséder, cet énorme harem.
Mais comme par ailleurs, il aurait écrit les psaumes et puis finalement, il était quand même un bon roi, et puis il faisait preuve d’une certaine sagesse, et puis, et puis, et puis. Eh bien, ça fait qu’on ne retient d’eux que le bon.
Ça, c’est quelque chose qui m’impressionne toujours. C’est quand on décide que pour certaines personnes, majoritairement des hommes, mais j’entends qu’il y a des exceptions du côté des femmes aussi, on ne retient que le bon et on leur fait une excellente réputation.
Et puis finalement, du côté des femmes, c’est plutôt statistiquement le phénomène inverse. On ne retient que le mauvais et on leur fait une horrible réputation.
Pour moi, l’exemple le plus marquant, c’était Margot Käsemann, qui était la présidente de l’Église Unie protestante en Allemagne. Une excellente théologienne, incroyable. Très, très bonne théologienne. Mais je ne sais pas si tu te rappelles cette histoire, elle avait eu l’audace de boire deux bières et prit le véhicule.
Et puis, il y avait eu des contrôles aléatoires, je ne me rappelle plus si elle était passée ou au rouge ou à l’orange, enfin quelque chose qui n’allait pas en tout cas, ça c’est clair. Elle, quand elle a vu que dès le départ, tout le monde la jugeait énormément, elle a tout de suite démissionné. Mais alors direct.
Et puis derrière, elle a fait un livre, elle a raconté un peu comment elle l’avait vécu spirituellement, etc. Je trouve hyper impressionnant et hyper modélisant pour moi.
Et puis, quelques années après, on a eu droit à un président, non pas en Allemagne, mais en Suisse, un président de la Fédération des Églises Réformées Suisses, qui a commencé par dire dans la presse que l’une des raisons pour lesquelles les églises se vidaient, c’est parce que, tu comprends, il y a de plus en plus de femmes pasteurs et elles ne prêchent pas d’une façon assez théologique ou académique.
Moi, déjà, celui-là, je me le suis mis dans mon collimateur, tu vois, je me suis dit, Mais qu’est-ce qui lui prend? C’est quoi cet argumentaire qui n’a aucun sens?
Et quelques années plus tard, ont été révélées des agissements de sa part très borderline, voire répréhensible, envers ses collègues de travail. Alors je ne me rappelle plus, disons, des détails, mais suffisamment pour que ça fasse ce scandale. Et là, on a vu que le bonhomme hésitait à un moment donné à démissionner.
Donc d’un côté, on avait cette présidente des Églises luthéro-réformées allemandes qui n’a pas attendu 24 ou 48 heures, et de l’autre, on a ce brave monsieur qui a pris son temps de la réflexion, du protocole, de l’enquête ou de je ne sais quoi. Ça m’a vraiment paru flagrant, en fait.
Quelque chose d’éminemment flagrant sur qu’est-ce que nous, les femmes, on fait pour notre réputation que les hommes, souvent, en tout cas dans les milieux religieux, n’ont pas besoin de faire.
La réputation de la femme samaritaine
Je t’écoute et c’est le passage de la Samaritaine qui me revient en tête. Comment cette femme est présentée comme au mieux une femme de petite vertu. Elle a eu cinq époux, elle habite avec quelqu’un qui n’est pas son mari.
J’ai fait une prédication, une fois, en rappelant que l’évangile de Jean, c’est symbolique. Et même si ce n’est pas symbolique, il y a plusieurs raisons pourquoi cette femme est peut-être plus mariée à ses maris. C’est une espérance de vie courte, il y a des guerres, il y a des maladies.
Il y a plein de raisons que cette femme habite avec quelqu’un avec qui elle n’est pas mariée, peut-être parce qu’elle a besoin de protection, puis dans un monde patriarcal où le mode de vie est assez difficile. On fait des compromis.
Et en parallèle, j’ai mis Salomon avec ses 300 femmes et 700 concubines. Est-ce qu’on le traite de dépravé? J’avais tout déconstruit ça et j’avais dit, mais non, il faut qu’elle soit dans ce personnage-là de femme à sauver parce que ça met en valeur Jésus qui sauve les pauvres âmes, qui transforme les pécheresses.
Et pourtant, il y a toute une autre façon de voir cette histoire. Elle comprend le message de Jésus. Elle va au village évangéliser les gens du village. C’est une histoire assez puissante, mais non.
Elle était, comme tu as dit, mise dans une case, parce que probablement c’est une femme, parce qu’on avait besoin au niveau narratif d’avoir quelqu’un à sauver, Jésus. Le Messie, le Fils de Dieu et ainsi de suite.
C’est vrai qu’on prend ces raccourcis-là et ça reflète un peu notre société plus que le texte en tant que tel.
La réputation des Églises au temps du numérique
D’un autre côté, ce qui me frappe, là on est en 2025, on arrive au milieu de l’année, progressivement, c’est de voir qu’avec l’essor des réseaux sociaux, avec l’essor de la communication numérique…
Et d’ailleurs tu pourras en dire un mot parce que c’est vrai que c’est au cœur de ton ministère, bien plus que moi encore, commence à y avoir un souci aussi pour nos Églises, nos institutions, de leur réputation.
Qu’est-ce qu’on dit d’elles? Comment est-ce qu’on parle d’elles? Qu’est-ce qu’elles veulent bien dire d’elles-mêmes? Qui communique sur quoi, auprès de qui, à propos de quoi et comment?
Je suis assez frappée parce qu’il y a 25 ans, je portais ces sujets de communication, je posais des questions à celles et ceux qui ont mon âge maintenant, en leur disant « Mais comment est-ce qu’on communique? Qu’est-ce qu’on veut atteindre? »
« Ah non, non, mais c’est vraiment… Tu sais, les gens, ce qu’ils veulent savoir, leur culte le dimanche, un peu d’activité dans la paroisse, on n’a pas besoin… » « Mais si, je vous assure, je pense qu’il serait temps qu’on communique. »
Ces questions-là, il y a 25 ans, n’étaient pas d’actualité et maintenant, elles ont pris un tour qui m’échappe presque.
Lorsque les Églises tentent de contrôler leur réputation
C’est vrai, j’ai remarqué ça, comment les Églises essaient de contrôler le message, si je pourrais prendre un terme un peu marketing. Je vais te donner un exemple.
Il y a le Conseil général de l’Église Unie du Canada qui aura lieu au mois d’août prochain. Il y a cette idée qu’on devrait être sur les médias sociaux et tout ça, on va demander à des jeunes.
Bon, déjà là, bonjour le cliché, les jeunes sur les médias sociaux. Mais bon, pourquoi pas? Je veux dire, on va laisser de la place aux jeunes. OK, on va les mettre sur nos médias sociaux, ce qu’ils vont faire.
Moi, j’ai rappelé qu’habituellement, les gens ne veulent pas suivre une institution, ils veulent suivre des personnes. Parce que l’institution, ça paraît que c’est un message léché. Oui, il y a toujours un peu, ce que je pourrais dire, de mensonges.
Sur Instagram, on met nos photos habituellement de belles choses, lorsqu’on est bien habillé, lorsque la maison est nickel. On ne met pas la photo lorsque le bordel est pris, que les enfants s’arrachent les cheveux. Oui, d’accord.
Néanmoins, il y a moyen de construire une bonne image, une image positive, en étant authentique, en étant vrai.
Et je crois que ça peut contribuer à, on parle de réputation, augmenter la réputation d’une Église dans le sens où, ah, voici une église qui n’a pas peur de laisser les gens s’exprimer de la façon qu’ils veulent s’exprimer.
Et je crois que les gens aussi sont capables de faire la différence entre l’opinion de Stéphane Vermette et la ligne de l’Église Unie du Canada sur tel et tel sujet.
Mais il y a toujours cette peur. Qu’est-ce que les gens vont penser de nous? Qu’est-ce qu’ils vont dire? Ça, à la limite, sans faire trop de pop psychologie, on n’a pas de contrôle sur ce que les gens vont dire. On n’a pas de contrôle sur comment les gens vont réagir. On n’a pas de contrôle si quelqu’un de mal intentionné veut nuire à notre réputation personnelle ou institutionnelle.
Mais on peut donner notre opinion, on peut donner notre message et ne pas avoir peur de sortir du beau message parfait.
Si on revient à la base de notre histoire, on a Jésus et qui étaient les amis de Jésus? Qui étaient ses disciples? C’était des prostituées, c’était des lépreux, c’était des collecteurs de taxes.
Comme j’aime dire, les collecteurs de taxes, c’est un peu l’équivalent des collaborateurs durant la Deuxième Guerre mondiale, parce qu’ils collectaient les taxes pour l’armée d’occupation.
Donc Jésus, pour prendre un québécisme, ne se tenait pas avec les bonnes gens. Les pharisiens constamment l’accusaient de ne pas avoir des bonnes valeurs, pas les bonnes pratiques religieuses, et on est ici 2000 ans plus tard.
Donc je pense que, oui, il y a certaines normes sociales à suivre. Mais de pas avoir peur, un peu comme Jésus, un peu comme Paul, si on comprend un peu son ministère, Paul était un peu abrasif, je crois. Il y a plein de gens comme ça qui se sont peut-être un peu foutus de leur réputation pour arriver à un but.
Et je pense qu’en tant qu’Église, en tant que chrétien, on est d’idéal aspiré. C’est-à-dire, ouais, peut-être qu’on va perdre des gens, peut-être qu’il y a des gens qui vont parler dans notre dos, mais moi, mon objectif, c’est ça.
Ce n’est pas d’avoir une bonne réputation, c’est le royaume de Dieu, c’est propager cette bonne nouvelle-là, peu importe, faire une différence dans notre monde. Si on en prend un coup, ben, coudonc. Ce n’est peut-être pas si grave que ça dans le fond.
La place de la grâce dans la réputation
J’aime bien qu’on se rappelle que sur les questions de réputation, là aussi la grâce continue à être première. J’essaie toujours de comprendre pourquoi sur certaines questions, d’un seul coup la grâce est évacuée de la discussion, elle est évacuée des paramètres, et sur d’autres elle est omniprésente.
Et je me dis qu’une parole libre, authentique, qui n’est pas discriminatoire, mais qui cherche simplement à ce qu’on voit les choses derrière le voile. J’aime beaucoup ce verset biblique qui dit qu’on voit tout comme un miroir déformé. Et puis il y a cette notion du voile, c’est vrai, qui se déchire au temple.
C’est normal qu’on voit tout à travers des filtres. On a vu combien ces filtres utilisés sur les réseaux sociaux étaient dommageables pour la santé mentale des jeunes. Donc là, c’est vrai que je trouve que lire ça dans la Bible, c’était fou de se dire que ça avait été un peu annoncé. Ben voilà, il y a des filtres.
Essayez de dire à certains moments, moi je crois qu’il me semble que là, on a beaucoup trop de voile sur tout ce qu’on aimerait voir et montrer et dévoiler un peu les choses, être dans cette notion apocalyptique de la révélation. Mais ça fait partie de notre boulot de pasteur, ça fait partie de notre vocation de chrétien, de chrétienne.
Donc à chaque fois qu’on voit qu’on est en train de tailler une réputation à quelqu’un, parfois il y a des éléments objectifs qui nous amènent des points d’attention, notamment pour protéger les plus vulnérables.
Et puis parfois il y a des éléments qui sont complètement subjectifs, voire culturels, voire discriminatoires. C’est important pour nous en tant qu’Église de pouvoir avoir une ligne de conduite qui soit dans une sorte d’authenticité, de parler franc.
Donc voilà, moi j’interroge un peu toutes ces notions de réputation qui sont finalement très genrées, très culturelles. Et puis j’interroge aussi toutes nos Églises, toutes autant qu’elles sont, sur leur propre peur de leur réputation. Qu’est-ce que ça dit d’elle-même d’avoir peur pour leur réputation?
Moi, j’aurais plutôt peur qu’on ne porte pas assez l’Évangile dans le monde. J’aurais plutôt peur qu’on perde trop notre temps dans des tas de réunions et des tas de considérations qui ne sont pas directement d’une efficience qu’on pourrait défendre devant le Seigneur. Moi, j’aurais peur de plein d’autres choses, pas énormément de la réputation de l’Église.
Bien sûr, j’aurais peur de faire des choses ou d’inciter à faire des choses ou de ne pas empêcher de faire des choses qui puissent heurter des gens. Mais ça, c’est le plus important en fait. La réputation qu’on nous fait ou qu’on se fait, c’est un petit peu secondaire en quelque sorte.
Disons que, bien sûr, il faut avoir un point d’attention là-dessus et en même temps, il ne faut pas que ça devienne premier. Et donc il y a ceux, en même temps, qui nous rejoignent. C’est le en même temps de Paul aussi, c’est le en même temps de Ricoeur. Et je crois que pour moi, c’est ce qui prime en termes de réputation.
Conclusion
Et vous, chères auditrices, chers auditeurs, avez-vous des questions sur la réputation chrétienne? Peut-être êtes-vous nouveaux et nouvelles aussi dans la foi chrétienne et vous vous demandez ce que vous devez faire avec ces notions de réputation.
Peut-être que vous avez souffert de jugements sur votre réputation, peut-être que vous avez entendu de la mauvaise réputation de nos églises, peut-être que vous avez plein de choses à nous dire sur ce sujet. N’hésitez pas à nous écrire.
C’est très simple, vous pouvez nous rejoindre sur les médias sociaux, vous pouvez également nous écrire par courriel questiondecroire@gmail.com.
On veut remercier l’Église unie du Canada, notre commanditaire, qui a un site internet moncredo.org où sont diffusés nos podcasts et également des blogs, des vidéos sur des sujets de foi et de spiritualité. On vous invite à aller jeter un coup d’œil.
Merci beaucoup, Joan pour cette conversation. Merci, Stéphane, à très bientôt.
