Explorer sa foi

Un homme visiblement dépressif

La santé mentale et la foi

23 octobre 2024
Stéphane Vermette

Stéphane Vermette

  • Église Unie
  • Guerres
  • Pasteur-Prêtre
  • podcast

Dans nos Églises, il existe encore beaucoup de tabous autour de la dépression et de la santé mentale. Avouer avoir des difficultés n’est pas toujours facile. Trop de solutions simplistes sont contreproductives. Et si nous arrêtions de considérer les enjeux de santé mentale comme un problème personnel pour réfléchir plus globalement aux modes de vie de notre société?

* Musique de Lesfm, pixabay.com. Utilisée avec permission. 

* Photo de Gianfranco Grenar, unsplash.com. Utilisée avec permission. 

Transcription:

Bonjour, bienvenue à Question de croire, un podcast qui explore la foi et la spiritualité une question à la fois. Cette semaine est ce que la foi peut guérir la dépression?

Olivier Keshavjee et Open Source Church

Bonjour Stéphane. Bonjour Joan. Alors moi, je te parle en duplex de Strasbourg et nous avons en duplex de Lausanne, Olivier.

Bonjour et bienvenue. Bonjour. Bonjour. Est ce que tu veux te présenter un petit peu? Nom de famille et pedigree compris ? Mais avec plaisir.

Olivier Keshavjee. Je suis pasteur en Suisse, dans l’église évangélique réformée du canton de Vaud, à Lausanne.

Et je suis pasteur spécifiquement d’Open Source Church, qui est une communauté par des geeks et pour des geeks, pour des gens passionnés de jeux de science fiction, de fantasy, de science technologie et tout ça. Communauté qui est en partie en présentiel, en partie en ligne. Et voilà.

Je suis très content d’être là avec vous. On mettra le lien dans la description du podcast pour les gens qui sont curieux, qui veulent explorer. C’est quoi Open Source avec une chaîne twitch en plus.

C’est ça, une chaîne twitch. Un serveur discord. Mais ça veut dire qu’en fait, toi.

Tu vises les gens qui vont pas au culte ?

En partie, ouais. Je vise premièrement des gens qui aiment la culture geek et qui ont envie de vivre l’Évangile là dedans.

Et il se trouve qu’il y en a pas énormément qui vont au culte. Il y en a quelques uns, beaucoup qui n’y vont pas.

Quand l’Église est trop stressante

Alors effectivement, tu vois, c’est comme ça que j’ai donné un conseil pastoral que je trouve d’une grande profondeur, que je vais partager là, maintenant, en exclusivité pour nos auditeurices.

On avait une paroissienne dans la vallée de Sainte Marie aux Mines, que Dieu la bénisse.

Et puis un dimanche, d’un coup, elle m’a fait une petite confidence. Elle m’a tu sais quand même, je suis vraiment déçue pour mon fils.

Alors son fils, je le connaissais pas, donc ouf. Ça ne me concernait pas, visiblement.

Et évidemment, ça concernait une communauté luthérienne à Paris qui, semblerait-il, était très stressante pour son fils qui lui avait pris un peu des responsabilités.

Il était rentré au conseil dans cette communauté, et elle trouvait qu’il y avait quand même beaucoup de choses à faire, beaucoup de conflits, beaucoup de difficultés.

Et là, elle termine en me disant, tu comprends, lui, il pensait qu’aller à l’Église, ça allait le relaxer et ça ne fait que le stresser.

Alors là, spontanément, moi, mais vraiment, du fond de mon cœur. Je lui ai dit j’ai un conseil pastoral pour ton fils. Ah, on m’a dit d’accord, très bien. Pour une fois que j’avais visiblement quelque chose d’intelligent à dire.

Je lui dis écoute, je lui conseille. La prochaine fois qu’il voudra se déstresser et se relaxer, il prend un bain chaud au lieu d’aller au culte. Et non, pas au culte dans le baptistère, non. Il reste chez lui, il prend un bain chaud, il met de la musique.

Ell m’a expliqué que figurez vous que déjà, le travail est stressant, la famille, c’est stressant, et si en plus tu vas à l’église, c’est stressant. On m’a dit franchement, il est en burn out, il fait de la dépression maintenant.

Et son Église l’aide pas du tout. Au contraire, si. Quand on va occulte et on prend des responsabilités dans une paroisse, ça accentue nos problèmes de santé mentale.

Moi, je dis bain chaud. Les amis avant tout. Et vous, quels sont vos. Petits trucs et astuces ?

Souffrir d’anxiété généralisée

Moi, mon petit truc et astuce s’appelle la médication. Je souffre d’anxiété généralisée et ça fait plus de 15 ans que je suis médicamenté. Ça va très, très bien.

Et j’en parle parce que. Il n’y a rien de honteux là dedans. Je pourrais avoir le diabète, je pourrais souffrir d’autres pressions. Moi, c’est l’anxiété.

Mais il y a encore un tabou autour de ça. On en parle un peu de ce côté ci de l’Atlantique.

Il y a des grandes campagnes pour parler de la santé mentale par les gouvernements et certaines grandes compagnies de télécommunications qui veulent se faire du capital politique.

Mais c’est difficile, surtout dans les milieux d’Église. J’en ai parlé au début avec des résultats mitigés. Je ne sais pas si vous connaissez les gens qui viennent vous voir avec cette voix pseudo doucereuse. Comment ça va aujourd’hui ? Ok. Là.

La santé mentale et les générations différentes

Je veux dire, ça va, là, moi, je le vois. Je vois quelque chose de très générationnel à ça. Et j’ai été dans plusieurs paroisses différentes, et dans une de ces paroisses qui était plutôt une paroisse âgée.

Toutes les questions de vie intérieure, tant la foi que la santé mentale, c’est privé, c’est intérieur. On ne partage pas et on a notre façade publique qu’on montre.

C’est de celle là qu’on parle. Et on donne l’image de quelqu’un qui est solide, qui est travailleur, qui est fidèle, fervent et tout.

Mais c’est très dur dans ces cas là, effectivement, de parler de questions de santé mentale, y compris de ses propres fragilités.

Alors qu’avec des plus jeunes, notamment des plus jeunes, moins de 20, cinq ans comme ça, j’ai l’impression qu’il y a une plus grande sensibilisation, notamment grâce aux réseaux sociaux.

Et là, quand j’en parle et quand je parle de mes difficultés, j’ai souvent des gens qui viennent me remercier en disant ah, mais bravo d’oser en parler publiquement, de contribuer à la discussion.

Et là, c’est très bien accueilli. En fait, il y a un désir qu’on en parle.

Vivre un moment de dépression

C’est vrai, moi, je fais un peu partie des gens qui naturellement produisent… enfin, vous me connaissez tous les deux, j’ai une sorte d’énergie vitale un peu comme ça qui me vient, sur laquelle j’ai pas eu tellement à travailler.

Mais j’ai toujours pensé que ça doit être une affaire de molécules. Il y a des organismes qui produisent plus de ci et moins de ça. Et puis moi, il se trouve que bon, ben voilà, tel Obélix, je suis tombée dedans étant petite,

Mais en l’occurrence, voilà, j’ai eu des soucis professionnels l’année passée, et d’un coup, j’ai eu des épisodes dépressifs.

J’avais cette surprise de me réveiller le matin et j’avais l’impression que le ciel me tombait sur la tête, que chaque pas me demandait un effort immense, que j’avais même du mal à respirer à certains moments.

Je pouvais fonctionner, jusqu’à ce que quelqu’un me pose une question sur un truc et que ce truc là me bloque tellement que j’en vienne à pleurer.

Alors en milieu professionnel, tu as l’air bête, quoi. Je veux dire en plus une femme qui pleure. Je vous passe un peu les clichés, les stéréotypes.

Et c’est là que j’ai enfin compris l’expression du chien noir, qui est une expression qui est utilisée un peu pour décrire la dépression qui devient ton compagnon ou ta compagne de vie, comme un chien ou une chienne.

Mais c’est un chien un peu gros, un peu pataud, un peu noir. Et bon, moi, j’ai pas un grand intérêt, je dois reconnaître pour les chiens, les chiennes, j’ai jamais eu un coup de foudre, une relation privilégiée.

Et c’est vrai que globalement, ça, ça marche bien pour moi, cette métaphore de la dépression, du gros chien qui te colle, qui perd ses poils, qui pue, qui est tout le temps là, mais gentil, hein. Mais qu’est ce qu’il est lourd.

Et du coup, je me suis dit ben voilà, ça, c’est un truc. En fait, peu importe ta volonté, c’est quelque chose qui te tombe dessus un peu. Faut travailler sur soi. Ça, c’est vrai.

Mais si en plus l’entourage te donne des petites recettes inutiles, il y a quelqu’un, à un moment donné, qui m’a oh ben non, pas toi. Bah non. Allez, ressaisis toi, alors, ressaisis toi.

Allez, vas y, donne toi un coup. Comme si c’était juste une question de volonté. Et je me suis dit ah merde. C’est le quotidien de plein de gens.

En fait, d’une multitude de gens. Moi, j’ai un peu découvert cet univers, je m’en suis extirpée.

Là, il y a quelques semaines, j’ai un peu annoncé victorieusement, comme ça à mes filles. J’ai vous savez, je crois que c’est fini, ma dépression. Alors elles ont ah, c’est bien, c’est bien, maman.

Mais c’est vrai que c’est la génération où tu peux parler d’aller mal, d’avoir du mal à respirer, de faire de l’anxiété, de t’inquiéter.

C’est une génération qui est hyper sensible à ça. Et ça fait tellement, tellement du bien. Et ben voilà.

Du coup, je suis un peu triste d’être passée par là, parce que ça veut dire qu’il y a d’autres choses qui ont dû fonctionner ailleurs et d’un autre côté, un peu paradoxalement, je rends grâce parce que je.

Vois les choses vraiment différemment depuis.

La difficulté pour les pasteurs d’exprimer ses problèmes de santé mentale

Et pour venir un peu dans la même veine que tu as dit Johan, et aussi olivier, pas pour se plaindre, mais en tant que pasteur, on a une image publique, on incarne l’image de l’Église, et les gens ont une certaine vision idéalisée de nous.

On est perçu comme ceux qui donnent les soins pastoraux, ceux qui accompagnent.

Et d’avouer que moi, par exemple, je suis à un moment de crise. Je suis dans un moment très difficile, personnellement, c’est comme si les paroissiens, les paroissiennes ne veulent pas voir ça. Ou comme si la relation était abîmée.

Je me souviens pendant la pandémie, on était là pour les gens. Il y en a qui commençaient à dire bon, il faudrait que tu sois là un peu plus.

Écoute, je suis là pour vous, mais moi aussi, ça me tape, la pandémie.

Puis j’ai une famille aussi que la pandémie, c’est pénible, fait que je suis là pour ma famille, je suis là pour vous, puis c’est pas assez encore.

Mais ces gens là s’imaginent qu’on est des super héros, que la foi nous transporte, qu’on gambade dans des champs de fleurs éternellement, et juste de dire, écoutez là, on est des êtres humains. 

Est-on obligé d’être heureux si on a la foi?

Et implicitement, ce qu’il y a un peu là derrière, j’ai l’impression c’est l’idée justement que si on a la foi, on doit être heureux, ça doit aller bien justement que foi et dépression, c’est un peu des antinomies.

Si on est déprimé, alors c’est la preuve que l’Évangile ne marche pas ou quelque chose comme ça. Parce que si on est croyant, on est dans la joie, tout va bien, on est heureux. Il peut y avoir un peu cette. Image là, une espèce de garantie de succès, de récompense.

Le défi de la prière pendant la dépression

On vous a déjà proposé des prières pour aller mieux, des trucs à lire, des trucs à chanter, des trucs à faire?

Oui. Alors, donc juste pour dire, moi j’ai un moral qui fluctue depuis pas mal d’années, j’ai des hauts et des bas et avec parfois des périodes assez creuses.

Là, je suis dans une phase qui est particulièrement difficile, où ça fait, je pense plus d’une année que je suis dans une période très compliquée là, c’est vraiment un gros défi si je réalise que j’ai ça n’a pas encore été diagnostiqué.

Je suis en train de faire tout un travail, mais probablement une dépression assez importante et il faut que je la gère.

Donc moi, ça fait des années en tout cas que je bataille avec ça. Et oui, plusieurs fois on m’a proposé la prière et c’était des expériences un peu mitigées.

J’étais pendant un temps dans une paroisse qui était un peu de tendance évangélique.

Il y a une notion de combativité assez forte dans la prière et assez mitigé dans le sens où des fois il y a un peu ce côté où finalement ça revient tout le temps sur le tapis.

Puis on ne peut pas accepter que non, peut être il y a des périodes où on ne va pas devenir une certaine norme de bonheur comme les autres ou, je ne sais pas, il y a des périodes diverses, puis il faut passer à travers.

Des fois il n’y a pas un peu ce repos qui peut aller avec, puis en même temps il y a une certaine combativité qui fait du bien. Je trouve aussi.

Moi ça m’a fait du bien pour éviter de me laisser trop aller à ma propre passivité puis de me dire non, mais je peux doit aussi un bout faire le ménage dans mes pensées et puis la prière peut aussi servir à. Ça.

Lorsque la Bible parle de crise de santé mentale

Moi quand c’est arrivé, j’ai réussi avec un sourire, j’ai dit merci beaucoup parce que ces personnes souvent sont bien intentionnées.

Mais mon problème c’est que je me débats avec mon mental et peut être la dernière chose que j’ai besoin, c’est d’être en silence avec moi même et recenser mes pensées.

Et pourtant, donner l’espace pour exprimer tout simplement ce qu’on vit, ça peut être très positif comme support, comme soutien.

Par exemple, j’ai trouvé le psaume 69 qui dit:

Dieu sauve moi, l’eau m’arrive à la gorge, je m’enlise dans un bourbier sans fond et rien pour me retenir, je coule dans l’eau profonde et le courant m’emporte.

Et d’avoir un passage comme ça. Le psalmiste a vécu quelque chose de similaire à moi. Ça exprime un peu ce que peut être je peux ressentir. Ça valide mon expérience.

Au lieu de dire bon prix, dit tel, tel mot, un peu comme une formule magique. Dis tel ou tel mot et ça va disparaître.

Au lieu de dire ben, tu sais, il y a des passages bibliques que tu vas te reconnaître, puis que tu ne vas pas te sentir seul, puis tu ne vas pas te sentir jugé, nécessairement.

L’importance d’une communauté de soutien

Ce que j’ai trouvé vraiment très, très cool, c’est que, bon, d’ailleurs, Stéphane en a fait partie.

J’ai écrit à plusieurs de mes collègues amis en disant tu sais, là, je vais hyper, hyper mal, et si je me mets à me débattre avec mes pensées, je ne vais pas m’en sortir. Et ça me fait un peu d’émotion.

Et ces personnes, elles se sont relayées pour me parler pendant 48 heure. On a dormi quand même à un moment donné. Et c’est vrai que c’est un moment clé, quoi, de se dire une communauté, c’est ça.

C’est de pouvoir se parler pendant un bon bout de temps et savoir que les uns et les autres sont là, se relaient et empêche de quelqu’un de tomber, quoi, vraiment de tomber dans son trou.

Ce qui était tellement nouveau pour moi, parce qu’aussi, il faut dire que quand on n’a jamais vraiment fait d’anxiété ou de dépression, on pense qu’on va mourir.

On sait pas fonctionner en allant pas bien, en fait, et ça, c’est un truc que j’ai aussi découvert.

Je me suis dit, on sait mettre en place certaines choses que quand on n’en a jamais eu besoin, on tombe de haut. C’est vrai. Enfin, jamais eu besoin.

Bien sûr que j’ai eu des moments dans ma vie où ça a été un peu difficile. J’étais jeune mère et tout. Mais là, c’était autre chose.

Là, c’était un truc où je sentais que je pouvais vriller quoi. Et c’était fou comme sentiment.

Se former en premiers soins en santé mentale

Et ce qui était marrant c’est que j’ai suivi un cours sur 1ᵉʳˢ soins en santé mentale. Avant ou après ? Alors j’ai eu un 1ᵉʳ épisode et puis j’ai pensé que c’était assez stable. Et puis entre temps, du coup j’ai suivi un cours en santé mentale.

Et quand j’en ai parlé à mes supérieurs à ce moment là, c’est marrant parce qu’ils ont dit c’est bien que tu le suives, je pense qu’on en a tous et toutes besoin. Alors j’ai dit comment ça vous en avez besoin ?

Ils ont dit oui, tu sais, en fait on a tous des problèmes de santé mentale, donc c’est bien si on a des ministres qui sont un peu formés à ça.

Donc j’étais vraiment surprise parce que je me dis en fait on fait tous et toutes parties de systèmes qui sont potentiellement toxiques et on a tous et toutes envie de guérir de ça. C’est juste qu’on ne sait pas trop par quel bout le prendre.

Et ça c’était le côté super positif de me dire en fait il y a quand même une sorte de lucidité sur la toxicité du système.

Le nombre de pasteurs qui souffrent de problème de santé mentale

Et ça m’amène à deux points. Le 1ᵉʳ point c’est qu’on a eu une journée d’accueil des nouvelles recrues à l’église évangélique réformée du canton de Vaud. Et on nous a fait une sensibilisation au fait que les assurances en Suisse ont fait un petit peu des statistiques.

Et il y a 44% des arrêts maladie chez les pasteurs pour problèmes de santé psychique. C’est un des métiers les plus touchés. C’est ça. Et la moyenne nationale c’est 33%.

Moi j’aurais eu besoin à ce moment là d’une parole, j’aurais besoin qu’il y ait quelque chose de l’ordre de la compassion, de l’empathie.

J’aurais besoin d’une parole où on nous dise en fait ouais, vous êtes plus touchés que la moyenne nationale, mais c’est un petit peu normal. Et cette parole elle manque encore un peu.

Santé mentale ou problèmes psychiatriques?

Et le 2ᵉ point auquel je pense, puis après, vraiment réagissez librement, ne me laissez pas parler toute seule, c’est j’ai une discussion avec quelqu’un de très très proche de moi, vraiment quelqu’un de mon cercle proche.

Et je parlais de problèmes de santé mentale concernant une tierce personne qui m’est très très chère aussi.

Et cette personne là a vrillé, elle m’a dit comment tu peux parler ainsi ? Comment tu peux dire que cette personne a un problème de santé mentale, ça se dit pas, il faut pas dire ça. Les choses comme ça, c’est. Comme on dit, c’est psychiatrisant, un truc comme ça.

Et là j’ai compris qu’en fait on est sur un changement de génération. En fait, avant, problème de santé mentale, ça voulait dire que tu allais être interné en hp et que tu allais être camisole de force chimique et tout. Enfin ça allait être terrible quoi.

Maintenant quand on dit problème de santé mentale, on pense solution, solution du quotidien. Et donc voilà, on est dans cet entre deux, mais il n’y a pas. Encore tout ce qui nous ferait du bien au milieu.

La santé mentale comme la santé physique

En réaction au 2ᵉ point, le terme de santé mentale, moi je le trouve extrêmement aidant. Et en fait le fait de l’avoir intégré dans mon vocabulaire, ça m’a au contraire facilité pour parler de ce qui m’arrive.

Parce que ce n’est pas maladie mentale, mais c’est santé mentale. Et que tout le monde comprend qu’il y a des enjeux de santé physique que voilà.

On peut être malade, mais on peut parler positivement de la santé physique et de qu’est ce qu’il faut faire pour l’entretenir tout ça ? C’est ça.

Donc de parler de santé mentale, ça ouvre sur le fait que. Ben oui, dans la complexité de nos personnes, on a une dimension mentale dont il faut aussi prendre soin et où il peut aussi y avoir des trucs qui bug, exactement comme le physique.

Et de faire le parallèle entre les deux tout d’un coup, ça ouvre plein de choses je trouve. Et ça permet d’en parler de manière. Plus posée, plus libre et plus compréhensible peut être.

L’importance de la réactivité

Et sur les statistiques que tu as données dans ton 1ᵉʳ point, disons qu’une Église découvre que des congés de maladie, c’est dû au cancer du poumon relié au tabagisme. On peut facilement imaginer tout le monde sur le pont, on aborde ça de front.

Mais là il y a comme un manque de réactivité. De dire bon ben peut être qu’on a besoin d’investir un peu plus dans l’accompagnement de nos pasteurs.

Si on ne peut pas changer nécessairement toujours le climat, on peut les accompagner.

Les messages que nous envoient notre corps

Je pense qu’il y a la question de pas uniquement qu’est ce qu’on fait de ce fait qu’on observe qu’il y a beaucoup de burn out, mais qu’est ce que ça nous dit déjà ? Et qu’est ce que ça révèle ?

Parce que si de la même manière qu’une douleur physique, c’est une information, qu’il y a quelque chose qui se passe.

Et si on veut juste soigner la douleur, on ne l’écoute pas, c’est dangereux, parce qu’elle nous dit quelque chose d’important. L’enjeu, c’est de voir qu’est ce qu’il y a comme cause sous jacente.

Et j’ai l’impression que les enjeux de santé mentaux, les burn out, les dépressions notamment, c’est un bout de lucidité pour nous dire qu’il y a quelque chose qui ne joue pas.

Fondamentalement, il y a quelque chose qui joue pas.

C’est pas juste une personne qui a un problème, mais c’est une personne qui détecte que dans le système dans lequel elle est.

Ça peut être des choses uniquement des facteurs biologiques, personnels ou des choses comme ça, mais il y a aussi.

Ça peut être des événements de vie aussi, mais c’est aussi une sensibilité à un système, et c’est un révélateur d’un problème de la société ou d’un problème du système dans lequel elle est, de l’Église, d’une communauté, je sais pas.

Il y a quelque chose qui joue pas, et que ça vaut la peine de s’arrêter et de l’écouter, voir qu’est ce que la dépression dit.

Pour moi, il y a quelque chose de très prophétique en fait.

Ça peut paraître bizarre de dire comme ça, mais je pense que c’est vraiment Dieu qui nous parle de vouloir juste soigner les soucis de santé mentaux, de vouloir descendre les taux de burn out et de dépression, ce serait très bien.

Mais en faisant ça, on peut aussi se rendre complice simplement d’une société un peu productiviste comme ça, où il faut que les gens soient performants et qu’ils travaillent.

Donc on veut que nos pasteurs, ils soient performants et qu’ils travaillent et qu’ils soient rentables, machin.

Et alors qu’on est à un moment où toute la création est épuisée. On presse les ressources, qu’elles soient matérielles, qu’elles soient humaines.

On presse jusqu’au bout, et forcément la planète dit stop et nos communautés, nos sociétés disent stop, nos corps disent stop.

Et donc la question à mon avis c’est est ce qu’on va écouter ce stop ? Et si oui, qu’est ce qu’on en fait ?

C’est un très bon point d’arrêter de voir ça comme un problème individuel et commencer à penser en termes d’un problème collectif. C’est très intéressant.

Créer des liens

Moi j’ai vu là à Lausanne, il y a une grande pub, elle est formidable cette pub, notamment quand on est au service d’une Église, je trouve, qui dit quelque chose comme quand ça ne va pas soigner vos liens amicaux.

Et il y a quelque chose comme, du style contre la dépression, rester en réseau, je sais pas quoi.

Et donc c’est épatant parce qu’on est dans une société qui s’est fragmentée, qui s’est segmentée, qui est un peu touchée par un hyper capitalisme et qui arrive maintenant aussi à envoyer des messages aux gens qui ont des, qui passent par des problèmes de santé mentale.

De dire mais écoutez, faites vous donc des amis pour être moins isolés, puis ça ira mieux, puis ça coûtera un peu moins cher aussi aux services de santé, aux assurances.

Sauf que, en fait, c’est vraiment notre corps de métier. S’il y a un truc sur lequel on a une compétence particulière, c’est le lien, c’est la mise en réseau, c’est le fait d’inviter les gens à se réunir à deux, trois et plus, quoi.

Et d’ailleurs vous, vous le faites, vous le faites très bien, vous le faites avec vos ministères numériques, parce que c’est là que sont les gens en fait, c’est de dire aux gens en fait, t’es pas tout seul sur ton jeu, t’es pas tout seul devant ton ordi.

On peut se mettre à plusieurs et on n’est pas obligé de s’envahir, on n’est pas obligé de prendre la voiture. Mais en tout cas, tu es en lien, quoi.

Je fais un lien avec mon ministère. Je parlais avec une animatrice d’église qui vient d’être fraîchement recrutée et qui en veut à fond, elle a de l’énergie, elle en veut.

Et elle me dit ouais, mais tu comprends, j’ai même pas quatre jeunes pour commencer mon groupe de jeunes. Et puis pour la faire rigoler, la détente. J’ai dit ouais, mais tu sais, jésus, il a commencé avec 12 mecs qui passaient par là, quoi.

Et c’est vrai qu’on a un petit peu tendance à oublier ce concept là qui est super important, c’est qu’on est pas là pour le chiffre, on est.

Créer des espaces différents pour établir des liens

Là pour le lien, là. Je vois en écho à ça, moi qui ai un ministère qui est en partie numérique, je ne mets pas du tout d’effort dans tout ce qui est de faire des vues.

D’ailleurs, ces temps, on est très peu présent sur les réseaux sociaux, on met peu les contenus qu’on crée en valeur. Sur YouTube, il y aurait tout un des choses qu’on pourrait faire et ce serait super, je pense qu’on le fasse.

Mais pour moi, le cœur, c’est vraiment pas ça. Pour moi, le cœur, c’est de créer une communauté dans laquelle il y a des relations qui sont riches, qui sont vécues, qui sont fortes et qui passe pas par moi.

C’est la communauté qui offre un espace de relation. Et je vois que pour beaucoup de gens, effectivement, c’est ça qui est recherché.

Et notamment, je le vois dans ma communauté en partie en ligne, ça touche pas mal de gens qui ont des profils neuroatypiques, toutes sortes, toutes formes de neurodivergences, hp hypersensibles, tda, tsa, toutes ces choses là.

Oui, il y a des enjeux de santé mentale qui sont proches souvent.

En tout cas, il y a une conscience aussi des réalités parce qu’il y a d’autres questions qui se posent et les médiations qu’offre une communauté en ligne sont beaucoup plus agréables pour cette communauté là que des médiations qu’on a dans les cultes à 10 h d’une paroisse traditionnelle, voilà.

Ça permet de rejoindre d’autres personnes pour vivre de la communauté d’une manière qui est plus profonde pour elles et eux.

Ouais. C’est vrai que du coup, je me dis c’est beau qu’on soit à une étape un peu de notre chemin de foi chrétienne dans certains milieux, selon certaines théologies, surtout nos théologies communes autour de ce qu’on appelle les marges des gens qui ne rentrent pas dans les formats, dans tous les formats.

Je trouve ça beau qu’on arrive un peu à cette étape où il y a une réconciliation. En fait, il y a une réconciliation entre notre fragilité humaine et puis cette fragilité, cette vulnérabilité.

Mais en même temps, c’est ce qui fait finalement l’authenticité de notre chemin de foi, que d’accepter que finalement cette espèce d’équilibre faiblesse force, mais qui se situe pas au même endroit en fait, qui nous prend un peu au dépourvu.

Élie, le prophète dépressif

Un des passages qui me porte le plus quand en ce moment notamment, je suis dans une phase dépressive, c’est l’épisode d’Elie dans le désert, juste après le mont Carmel, où il a un ministère hyper rayonnant, une confrontation avec 450 prophètes de Baal.

Il vient vivre une victoire incroyable, et juste après ça, il fait un épisode dépressif, il reçoit une menace et il sombre complètement, il s’en va dans le désert, il désespère et il veut mourir.

Il dit maintenant Seigneur, c’en est trop, prends ma vie et j’en peux plus.

Et je trouve que la réponse de Dieu est magnifique, c’est. Dieu lui dit rien, mais il lui amène à manger et Elie s’endort.

Il se réveille, il y a des anges qui ont amené à manger, après il se rendort et il se réveille à nouveau à manger, et Dieu va simplement le nourrir qui permettent de dormir, de manger.

Et je trouve qu’il y a une douceur dans ce texte, et puis c’est beau que juste après, il y a ce moment de la révélation au mont Horeb où Elie est dans la montagne et puis Dieu se révèle et il n’est pas dans le vent violent, il n’est pas dans le feu, mais il est dans le doux murmure.

Pour moi, dans ces moments de fragilité, de cassure, où on a envie de mourir simplement, c’est des moments où on peut être très, très proche de Dieu et des moments de révélation très profonde.

Prendre le moral n’est pas prendre la foi

Ouais. Perdre le moral, ce n’est pas perdre la foi. Perdre le moral, c’est laisser en quelque sorte la foi évoluer en nous.

En tout cas, moi, vraiment, je l’ai vécu comme ça, c’est à dire que moi je disais aux gens vous savez ce qui est fou, ce qui m’arrive dans cette épreuve là, c’est que ma relation à Dieu, elle est intacte en fait, parce que Dieu n’a rien à voir dans ce qui se passe là.

Ce qui se passe là, ce sont des c’est le fruit d’autre chose, d’un système qui me dépasse et qui me précède. C’est le fruit peut être de trauma, c’est le fruit de plein de choses, mais je sens que c’est l’inverse, quoi.

C’est Dieu qui me permet de traverser tout ça. C’est pas Dieu qui est à l’origine de ces problèmes là.

Les gens étaient souvent un petit peu surpris parce que c’est vrai que quand on va pas bien, on a envie de se dire il n’y a pas de justice, il n’y a pas de Dieu.

Moi, c’est plutôt l’inverse. Ma foi, c’est vrai, elle a peut être perdu un petit peu de triomphalisme, mais elle a gagné tout à fait autre chose du côté, c’est ça, de la douceur, de la vulnérabilité. Et j’en reviens encore pas.

En fait, je suis encore en train de faire mon bilan de ça. C’est beau, mais c’est aussi parce que je suis bien entourée. Et je suis bien entourée parce que j’ai des gens formidables autour de moi.

Et du coup, ça me fait réfléchir à tous ces gens qui traversent des océans et qui ont tout lâché, qui ont tout perdu.

Ça me fait penser à tous ces gens, les jeunes LGBT qui sont jetés de leur famille, les gens qui sont pas en accord avec, avec leur culture d’origine.

Et je me dis c’est vrai que finalement, c’est tout l’intérêt de nos communautés que de continuer à proposer des temps et des moments, qu’ils soient numériques ou présentiels, pour dire à ces gens là Écoute, je sais rien de toi, mais je sais que j’ai un peu de temps pour toi.

Créer une culture de bienveillance dans une communauté

Et pour ça, tout l’enjeu de créer une culture communautaire qui est bienfaisante, une culture dans laquelle c’est ok d’arriver et d’être plein de foi et de volonté de victoire et tout ça.

Mais c’est ok aussi d’être cassé, c’est ok d’avoir des blessures, c’est ok d’avoir des questions, des doutes, et on peut appartenir à la communauté exactement de la même manière, où qu’on en soit, dans quel qu’état qu’on soit.

Ça, je trouve que c’est important. En tout cas, je le vois, moi.

Pour moi, on ressent très vite d’autant plus quand on est dans des périodes de fragilité. On peut très vite ressentir tout ce qui se passe et tout nous nous agresse les moindres petites piques ou quelque chose comme ça.

Et on sent si on est accueilli tel qu’on est et puis que c’est ok, des fois, peut être de tirer la gueule ou d’être silencieux ou comme ça.

Conclusion

Merci. Merci, chers collègues, pour ces paroles franches, authentiques, ouvertes. C’est pas facile de s’exposer quand on est ministre. Finalement, on n’est pas dans une approche trop triomphaliste.

C’était un plaisir de converser avec vous, chers auditeurices. N’hésitez pas à nous envoyer vos remarques, vos suggestions, vos encouragements. Aussi. On attend vos feedbacks. Et chaque épisode, on le prépare pour et avec vous.

Et c’est ainsi qu’on va terminer cet épisode. On tient à remercier l’Église unie du Canada, notre commanditaire, et qui a un site, Moncredo.org, où vous trouverez nos podcasts.

Également, peu importe la plateforme sur laquelle vous écoutez, n’oubliez pas d’aimer de vous abonner, de laisser un commentaire.

Si vous avez des questions : questiondecroire@gmail.com.

Merci beaucoup, Olivier, pour ta présence avec nous aujourd’hui. Merci beaucoup pour votre accueil et pour tout votre travail. Joan et Stéphane. C’est formidable et à très bientôt. Au revoir. À bientôt. Aurevoir.

Un homme assis prenant soin de sa santé mentale
* Photo de Randy Jacob, unsplash.com, Utilisée avec permission

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