Le Carême peut être bien plus qu’un temps de privation ou de discipline religieuse. Nous pouvons utiliser ce temps de l’année pour réfléchir à nos priorités et cheminer dans la foi.
Dans cet épisode, Joan et Stéphane abordent la place que prennent les addictions dans nos vies et se demandent si notre société de consommation entre en contradiction avec le Carême.
Table des matières
Transcription:
Bonjour, bienvenue à Question de croire, un podcast qui aborde la foi et la spiritualité, une question à la fois. Cette semaine, qu’est-ce que le carême? Bonjour Stéphane. Bonjour Joan. Bonjour à toutes les personnes qui nous écoutent.
Se priver de quelque chose pour le Carême
Alors, moi j’ai une question pour toi au fait. Qu’est-ce que tu vas faire pour Carême cette année? Je te laisse réfléchir un petit peu. Et j’en profite du coup pour raconter une anecdote, le temps que tu réfléchisses, sur une année chez nous, à la maison, au presbytère.
Nous, on a donné un peu l’habitude à nos filles de réfléchir à Carême. Et moi, pendant longtemps, j’ai fait carême de chocolat, parce que le chocolat était pendant très longtemps une grosse addiction. C’est bon le chocolat, mais trop, c’est pas bon.
Et il y a une année où notre fille aînée, Marisol, alors elle, elle est unique quand même, mais il y a une année où elle nous dit très fièrement, vraiment très fièrement à table, moi, j’ai trouvé le Carême que je vais faire.
Alors, ses petites sœurs regardent vers elle, toujours un peu admiratives. Ah oui, c’est lequel? Et là, elle nous dit, mais d’un air très sentencieux, tu vois, elle dit, Eh bien moi, cette année, je fais un carême de McDonald’s.
Ah bon, qu’on lui dit, ah ben dis donc, ça veut dire que tu y vas souvent ou tu fais comment parce qu’ils n’ont pas tellement d’argent nos filles. Donc c’était assez marrant parce qu’elle avait compris. Alors toi, du coup, tu fais quoi?
Juste en passant, une anecdote aussi. J’ai une amie qui, chaque année pour le carême, fait carême de drogue injectable. Elle n’en a jamais pris, mais elle s’est dit, voilà.
Ajouter quelque chose pour le Carême
Moi, cette année, pour le Carême, dans ma tradition bien personnelle, je ne soustrais pas quelque chose, j’ajoute quelque chose.
Et cette année, j’ajoute la marche intentionnelle, je vais marcher avec quelqu’un en esprit, je vais penser à cette personne-là, je vais prier pour cette personne-là et ça va être mon geste intentionnel pour le carême cette année parce que je ne crois pas que le carême se doit nécessairement d’être une période de privation, une période où on doit être misérable.
C’est une période de préparation. Je trouve plus de signification de faire quelque chose de plus pour Pâques.
Souvent j’invite les gens de dire, vous pouvez prier plus, vous pouvez lire un livre, vous pouvez faire des dons à un organisme caritatif ou à votre Église. Vous pouvez faire quelque chose de plus d’une manière intentionnelle. Et moi, c’est ça.
Les 40 jours du Carême
Et tu vas faire ça pendant 40 jours ou pendant le temps du Carême?
Parce que souvent des gens qui sont un peu néophytes dans la chrétienté, peut-être des nouveaux et des nouvelles baptisées qu’on salue aujourd’hui, ou des recommençants et des recommençantes, les personnes qui ont envie maintenant d’avoir un certain nombre de connaissances aussi, un bagage, me disent souvent « mais pourquoi 40 ?»
Alors, est-ce que toi, tu vas respecter le temps du Carême ou est-ce que tu vas respecter les 40 jours, c’est-à-dire que le dimanche, tu estimes que tu retrouves toute ta liberté de faire ou de ne pas faire, d’ajouter ou d’enlever?
Je dois avouer que c’est une bonne question. Est-ce que, bon, le dimanche, on retombe dans la routine normale ou c’est une période continue? Toi, Joan, comment tu vois ça?
Moi, ce qui me plaît dans le fait de faire la pause le dimanche, c’est que peut-être des fois la pression elle est très forte pour les personnes comme moi qui par exemple arrêtent le sucre ou le chocolat.
Mais d’un autre côté, on sait bien que les bonnes habitudes, elles mettent au moins 21 jours à se prendre. Alors, si tu fais ta pause, des fois tu envoies des signaux contradictoires à ton cerveau.
Alors je ne sais pas, moi je suis un peu perdue parce que soit il y a un aspect un peu spirituel et mystique de dire ouais mais le dimanche c’est le jour du royaume, etc.
Soit tu es un peu pragmatique et tu dis ouais mais neurologiquement ou au niveau du cerveau, ça ne va plutôt pas m’aider. Voilà, il y a les deux côtés.
Le Carême est un cheminement
Je crois que pour moi, ça a le plus de sens d’un cheminement continu. Moi, je vois ça comme un processus d’avancer, de continuer, un peu comme on retrouve dans les écrits du Premier Testament, de monter vers la montagne, monter vers le temple.
Moi, je vois ce processus d’aller progressivement vers la semaine pascale, vers la célébration de la résurrection, un cheminement continu qui devrait être là tout le temps. C’est juste qu’on met une série de jours à part de dire, là, c’est spécial.
Là, là, il faut vraiment se préparer. Et j’aime bien ça, à quelque part, parce qu’on a des vies un peu folles, là, en Occident.
Je me souviens, quand on était jeunes, on nous promettait la société des loisirs. Les personnes allaient travailler moins d’heures. Ils se rendent compte que c’est complètement l’inverse.
On travaille comme des fous, on court. Moi j’ai un enfant, les activités, on arrive à la fin de la journée, on est épuisé. D’avoir ce marqueur dans un calendrier, de dire c’est le temps de penser à ça.
Oui, il faut y penser toujours, mais là, pour ces prochains jours-là, On fait vraiment un effort. J’aime ça parce qu’on oublie facilement, je trouve. Et je pense que ça aide beaucoup.
Faire Carême ensemble
Alors moi, c’est vrai que ça m’aide tellement. En fait, j’ai proposé à d’autres de me suivre depuis déjà une paire d’années. Je ne me rappelle plus du tout il y a cinq ou six ans.
Alors d’abord, j’ai commencé par un groupe où il n’y avait finalement que des femmes qui sont venues parce que c’était un groupe pour diminuer ou arrêter le sucre.
C’est trop rigolo parce qu’on s’en voyait vachement de blagues et puis on s’en voyait des versets bibliques. C’était vraiment comme si on était tout de suite devenu une petite famille de femmes.
Il y avait beaucoup d’intimité dès le départ parce qu’on savait que c’était difficile et que c’est lors de l’addiction, alors ça c’était une discussion aussi. Est-ce que c’est vraiment une addiction au sucre? Et dans ce cas-là, qu’est-ce que ça a à voir avec carême, qui est un cheminement de foi?
Moi ce qui m’intéresse pendant le Carême dans mon rapport à la nourriture.
C’est certainement pas de tout révolutionner, alors absolument pas de maigrir, donc ça vraiment j’aimerais tout de suite le dire, je ne conseille pas de faire un méli-mélo entre vie de foie et diététique, mais l’idée c’est, si j’ai une addiction par exemple au sucre, au chocolat, au café, Ça permet aussi de sous-peser un peu cette addiction.
On sait qu’elle est là et elle compense quelque chose dans notre vie. Et ça, c’est OK.
Moi, je connais personne qui ne compose pas quelque chose, qui n’est pas un trauma. Alors, il y a différents types de traumas. On n’est pas tous trauma de la même façon. On a chacun notre sorte de PTSD, de comportement post-traumatique, etc.
Ça, c’est OK. Ça nous permet aussi juste de nommer cette addiction, aussi de lui faire sa place, de la reconnaître, peut-être même de l’honorer, de dire heureusement que j’ai trouvé ça parce que grâce à ça je vais quand même bien et je vais peut-être même mieux.
Mais c’est pas parce que j’ai trouvé ça que ça doit prendre trop de place dans ma vie parce que j’ai envie dans ma vie que ce soit la grâce qui prenne à chaque fois un peu plus de place.
Et donc, pour moi, j’ai besoin d’être entourée. Et j’aime bien voir d’autres personnes, non pas pour voir leurs difficultés et me dire « Ah, c’est aussi difficile pour elle ». Non, ça, ce n’est pas le raisonnement qui m’apporte le plus.
C’est plutôt de me dire « Je ne suis pas toute seule, c’est vraiment ce que le Christ m’a promis, c’est que je ne serai jamais seule, il y aura toujours une communauté avec moi ». Ça, ça me fait vraiment plaisir.
Jeuner pour le Carême
J’aimerais t’interpeller sur cette histoire de viande, pas viande, parce qu’en fait, moi, ça me fait un peu bizarre quand j’entends parler du Carême dans certains contextes ou au Moyen-Âge, des contextes où de toute façon, les gens se privent déjà beaucoup parce qu’ils n’ont pas les moyens ou parce qu’il y a peu de ressources.
Au Moyen-Âge, les gens mangeaient peu, finalement, sauf lors des grands festins et encore, qui avoir accès. Donc, quel est l’intérêt de rajouter des privations dans des vies de privation? Moi, c’est un truc avec quoi je ne suis pas très à l’aise.
Il n’y a pas longtemps, des dames sont venues me voir à l’église et ça m’a fait super plaisir. On avait préparé à manger et elles ont dit que non, qu’elles étaient dans un jeûne, qu’elles étaient en grande difficulté en ce moment, notamment économique, mais que du coup, pour trouver une solution, alors qu’on avait préparé un repas, elles préféraient jeûner.
La majorité des gens qui étaient là, on n’a pas du tout compris la démarche, alors on n’est pas obligé de comprendre leur démarche, mais elles venaient avec leur culture à elles du jeune.
Quand tu vas mal, quand tu n’as plus rien, prive-toi et tu auras de nouveau. Ça, c’est quelque chose qui m’interpelle et je voulais avoir un peu ton avis là-dessus.
Je me souviens à l’époque où je faisais mon baccalauréat en histoire, un de nos professeurs a fait le lien entre le Carême et la période de la soudure.
La période de la soudure, c’est le moment où un agriculteur, un paysan, qui vit sur les récoltes et ce que la famille ou le clan a produit, arrive au moment où ce que commence à avoir une pénurie, souvent au printemps. C’est la période où on n’a plus ces denrées-là et on attend le retour de la saison agricole.
Et notre professeur nous expliquait que mystérieusement, c’est la même période que le Carême où on invite les gens à jeûner et tout ça.
Et j’avais trouvé ça intéressant comment que sociologiquement, à une autre époque, jeûner faisait du sens parce qu’on n’avait rien, donc on jeûne peut-être d’une manière forcée, mais on y trouve un sens d’une manière religieuse.
Mais c’est sûr que cette vision-là, est un peu dépassé pour l’immense majorité de nous qui vivent en Occident, où on a des épiceries pleines, on a accès à toute la nourriture que l’on veut, aussi longtemps qu’on a l’argent pour le payer. Et peut-être qu’il y a quelque chose là-dedans qui affecte la vision du Carême de certains.
Plusieurs personnes voient ça, le Carême, comme quelque chose de vieux, de dépassé, qu’on n’a plus besoin de ça. Mais peut-être notre société, entre guillemets, d’abondance, rentre en contradiction avec cette idée de Carême et de privation et de jeune.
Le besoin de repères dans notre monde
Alors, c’est vrai qu’on se connecte à quelque chose de très ancien, mais tu vois, maintenant que je suis arrivée, de mon point de vue, un peu vers le milieu de ma vie, puisque j’ai 43 ans et pour moi, vers 45 ans, j’estime que je serai au milieu de ma vie.
Je n’ai pas du tout envie de vivre après 90, mais si on a des auditeuristes qui ont plus de 90 ans, que Dieu vous bénisse et j’en suis très heureuse pour vous.
Eh bien, plus ça va, plus je regarde avec stupéfaction les personnes issues de cultures, disons, occidentales, qui vont chercher du sens dans d’autres cultures, tout en disant que leurs cultures d’origine n’ont pas autant de sens, n’ont pas autant de profondeur, n’ont pas autant de ressources.
Alors, tout d’abord, j’aimerais dire que c’est tout à fait faux d’un point de vue anthropologique. Évidemment, ce sont des anthropologues blancs qui sont allés observer des cultures non-blanches et qui, du coup, ont dit « Ah, c’est incroyable ce qui se passe ailleurs! Voyez-vous, ils observent les oiseaux et ensuite ils jettent des cailloux en l’air!»
Mais en fait, nous aussi, on a toujours jeté des os, des petits os en l’air, et puis nous aussi, on a toujours regardé je ne sais quel oiseau, simplement les cultures post-modernes actuelles citadines, et j’en fais partie, les personnes de ces cultures n’ont aucune idée, ne peuvent pas reconnaître un moineau d’une mésange,
En fait, ce chiffre de 40 est une réserve de sens incroyable dans la Bible. Vous pouvez la parcourir du début à la fin et vous trouverez régulièrement ce chiffre revenir.
Il y a bien sûr les 40 ans au désert, c’est très classique. Il y a les 40 jours de jeûne de Jésus, ça aussi c’est très classique.
Mais il y a plein d’autres fois aussi ce chiffre-là et d’autres symboliques pour nous rappeler qu’en fait, on est là aussi pour vivre des cycles, que les humains et les humaines se structurent autour de cycles J’aime beaucoup le fait que les gens disent, ah mais ça, ça fait partie du passé, c’est ancien, c’est archaïque.
Parce que c’est vrai qu’on peut rebondir et qu’on peut dire, oui, et c’est très bien. Parce que nous aussi, on a un passé et il compte.
Et ce qui compte, c’est pas que le passé reste dans le passé, mais que je puisse me saisir de ce passé et en faire quelque chose qui fait du sens pour moi aujourd’hui.
Alors bon, les plus fondamentalistes d’entre nous diront, oui, mais alors dans ce cas-là, tu tords les écritures, tu les fais à ta sauce. Ah bah alors ça, mon ami, grande nouvelle, tout le monde le fait. Moi, j’assume.
Effectivement, j’ai besoin au moins deux fois dans l’année. J’aurais besoin de trois fois, personnellement. J’aurais besoin… À Noël, je le fais pour l’Avent. À Pâques, je le fais pour Carême.
J’aurais besoin aussi quand on fait la rentrée. La rentrée en Europe, c’est très important, c’est un concept. Comme on a un long break d’été, après, on fait la rentrée. Donc, on a tous perdu un peu nos repères.
On n’a plus sociabilisé de la même façon. Et j’ai besoin d’un groupe pour m’aider, finalement, à la fois retrouver la norme, et en même temps, à ne pas la retrouver toute seule, ni en perdant toute créativité, et toute spiritualité spontanée.
Ouais, c’est hyper important, c’est vrai, c’est vieux, c’est ancien, mais ça nous porte, et ça nous relie à nos ancêtres aussi.
Alors, ça, t’es d’accord, je pense, Stéphane, en milieu luthéro-réformé, dire « ça me relie à mes ancêtres », t’es rarement regardé avec beaucoup d’intérêt, et pourtant ça fait sens.
Prendre soin de sa vie intérieure pendant le Carême
Je t’écoute, ça me fait penser lorsqu’on veut aller au gym. On est dans une société qui valorise beaucoup de prendre soin de son corps, de l’hygiène de vie, tout ça, donc on va peut-être s’inscrire à un gym. Oui, on peut y aller tout seul, mais souvent c’est moche.
Et c’est souvent plus plaisant lorsqu’on a un ami, deux amis, on y va ensemble. Ça crée un air d’aller, ça crée une atmosphère.
Et je t’entends parler d’un groupe WhatsApp où les gens, peut-être, vont se réunir à l’église pour une étude biblique ou toute autre chose. Oui, on peut le faire seul à la maison, mais le faire avec d’autres, ça nous permet de nous reconnecter avec nos ancêtres dans la foi, la communion des saints, tous les saints de toutes les places et de tous les lieux à travers l’histoire.
Et ça nous permet de prendre soin de notre vie intérieure, ce qu’on néglige souvent, et peut-être se retrouver à être avec d’autres gens, ça donne un air d’aller, ça donne ce petit plus qui fait que, ah oui, cette année-là, peut-être que ce ne sera pas spectaculaire dans mes actions, mais je vais y penser.
Ça va peut-être être un peu plus conscient dans ma démarche. Je ne dis pas que c’est bon pour tout le monde, mais pour plusieurs, d’être en groupe, de cheminer ensemble, ça a beaucoup de sens.
Laisser aller le contrôle pendant le Carême
Et puis maintenant moi j’aimerais parler aussi d’une pratique au sujet de laquelle personnellement j’ai des sentiments ambivalents mais je trouve que c’est important d’en parler parce que c’est souvent relié au Carême puis j’en ai un peu parlé déjà avant c’est de faire des jeûnes pendant Carême alors d’un côté.
J’ai un regard un peu émerveillé parce que je sais qu’il y a plusieurs paroisses qui ont connu des renouveaux de vie communautaire, des renouveaux de se retrouver ensemble, de prendre du temps, de s’entraider autour de pratiques de jeûne, par exemple en buvant du potage ensemble pendant quelques jours.
Et ça, je trouve qu’il y a un côté vraiment beau et incroyable. Et je sais que ça s’est fait en Suisse ces dernières années, surtout autour des jeûnes pour la planète.
Alors, cette idée de dire, on va apprendre à manger moins, à consommer moins, à ne pas manger de viande, il y avait tout un sens derrière et puis un défi un peu collectif.
Et puis après, il y a une autre pratique du jeûne que j’observe, et je crois que c’est nécessaire d’en parler, c’est jeûne qui rejoignent un besoin de contrôle.
Parce qu’il y a des gens qui ont des vies ultra-intenses, qui prennent l’avion tout le temps entre quatre coins du globe, qui ont l’impression de ne pas pouvoir trop choisir leur nourriture, entre nourriture qu’on mange à l’entreprise, dans l’avion, dans les aéroports, les snacks, etc.
Et qui ont l’impression aussi peut-être d’être lourds de responsabilités, lourds de contrats, lourds d’argent qui circulent et qui font des jeûnes pour essayer de s’alléger d’un certain nombre de choses et retrouver le contrôle.
Et des fois, moi, je l’ai vu sur plusieurs personnes, le résultat visuel est saisissant. Tu arrives quand même à des situations, comment je dirais, de maigreur.
Alors moi, je suis grosse, alors je trouve tout le monde mince. Mais d’un autre côté, ça dit quelque chose de notre besoin de contrôle.
Et à ce sujet, j’aimerais recommander le livre de Lorraine Malka. C’est une journaliste, il me semble qu’elle a un background juif. et elle cite énormément la Bible dans son livre sur le rapport à l’anxiété alimentaire.
Elle appelle ça anxiété alimentaire et je trouve ça génial. On n’est plus dans le trouble, on n’est plus dans le problème, on est dans l’anxiété alimentaire, c’est-à-dire se dire est-ce que j’ai trop mangé? Est-ce que j’ai pas assez mangé? Est-ce que j’ai bien mangé? Est-ce que je me contrôle bien en fait? Est-ce que je fais bon usage de la nourriture?
Et c’est un peu ça la difficulté, c’est-à-dire qu’en fait, ça nous ramène à cette définition ultra classique, luthéro-réformé du péché. Le péché, c’est quand je manque ma cible.
Et si le Carême, c’est une occasion supplémentaire qu’on se donne à soi-même pour contrôler encore un énième espace de notre vie, de nos vies ultra contrôlées, parce que je ne sais pas toi, mais moi, mon téléphone, si je parle avec toi là maintenant, par exemple, allons de chocolat, dans cinq minutes, je vais avoir des pubs pour le chocolat dans mon téléphone.
On vit déjà dans un environnement ultra contrôlé, et si en plus on se rajoute tout le temps des outils de contrôle, en fait on ne vit plus par grâce, on n’a plus de liberté, et on va récompenser par ailleurs avec des conduites addictives. Alors c’est assez dingue de se dire ça.
Voilà, donc le carême c’est aussi cette occasion de lâcher prise. Je te laisse réagir et après j’aimerais terminer avec une anecdote. Tu ne sais pas du tout ce que je vais dire, mais ça va être dingue.
Alors, pour les personnes qui nous écoutent, n’arrêtez pas, s’il vous plaît. J’allais juste réagir pour dire que ça me fait penser à ce besoin de performance. C’est ça.
Le Carême n’est pas une compétition
Combien de fois sur mes réseaux sociaux, naturellement, je suis pasteur, donc il y a des trucs religieux, les algorithmes fonctionnent de cette façon-là, combien de fois j’ai vu des trucs, comment réussir son carême? Cinq trucs faciles pour réussir son carême. Quoi éviter pour réussir son carême?
Et encore une fois, tu parles d’anxiété, de désir de contrôler. C’est ça que ça me fait penser. Il faut faire les bonnes choses pour avoir un Carême significatif. Non.
Encore une fois, c’est l’idée de la démarche et pour moi, c’est l’idée du cheminement. Et dans ces moments-là, on sait à peu près où on commence. On a une direction, mais on ne sait pas où est-ce qu’on va arriver. On ne sait pas qu’elle sera.
Naturellement, pour le Carême, on sait qu’au bout du Carême, il y aura pas. Mais pour nous, qu’est-ce que ça va signifier? Cette Pâque-là, cette année, cette annonce de la résurrection, ce souvenir de la résurrection cette année, qu’est-ce que ça va être? On ne le sait pas.
Je pense aussi que le carême, un peu comme tu dis, c’est le lâcher prise. Tu parlais d’addiction, c’est peut-être une des plus grosses addictions qu’on a, encore une fois, dans le monde occidental.
On veut contrôler, on veut tout contrôler, on veut tout savoir. On sort notre téléphone tout le temps pour avoir la réponse à moindrement de questions un peu stupides qu’on a.
Peut-être une grande démarche du Carême, c’est de dire, je vais laisser prise ce que je connais, je connais, ce que je connais pas, je connais pas. J’avance, je fais attention à moi et on va voir où est-ce que ça arrive, puis ça va être OK. Alors là, je t’écoute.
La saucisse de Zwingli
Moi j’aimerais un petit peu conclure mon propos pour rappeler que, en fait, dans la grande famille luthéro-réformée, puis on peut rajouter avec nous les méthodistes, tant qu’on y est, puis les presbytériens bien évidemment, on n’est pas du tout d’accord entre nous sur carême.
En Europe centrale, occidentale, francophone, d’une façon assez générale, le côté réformé de la force, se moquent un petit peu du côté luthérien ou bien confessant réformé.
En parlant toujours d’une anecdote qui m’amuse autant plus que j’ai un service là-bas en tant que ministre, donc à Zürich, il y a une espèce de légende qui dirait que à Zürich, Zwingli avait mangé pour carême de la saucisse pour énerver les autorités. Quelque chose comme ça, enfin tu vois.
Quand les luthériens commencent un peu à faire la promotion de leurs groupes WhatsApp ou de leurs trucs de Carême, une partie des réformés libéraux ou anti-carême nous sortent leurs histoires de saucisses.
Et moi, je n’ai pas bien compris parce qu’une fois, il y a une pasteure que je connais, réformée, qui pendant pas mal de mois postait des choses super vegan.
Alors régulièrement, cette collègue à moi, cette pasteure réformée, nous sensibilisait sur le fait que nous mangeons des cadavres. Ce qui est toujours assez étrange. Après, ce n’est pas faux, mais voilà, c’est toujours assez étrange.
Mais après, quand arrivait Carême, elle disait que de toute façon, il y avait des réformateurs qui mangeaient de la saucisse à Carême.
Alors moi, une fois, je lui ai demandé si c’était de la saucisse vegan. Voilà, voilà. Ça l’a pas mal contrarié, quoi. Donc j’aimerais rappeler un élément hyper important, c’est la justification par la foi. On fait Carême, tant mieux. On ne fait pas carême, pas grave. On le fait en mangeant de la saucisse, ça va aussi.
On mange vegan, c’est super cool. Carême, une fois de plus, c’est une question de relation entre moi, Jésus, ma communauté de foi. Et si cette année j’interromps mon Carême parce que j’ai des choses vraiment lourdes dans ma vie, j’ai autre chose à faire que de me focaliser sur le sucre, la marche à pied ou la lecture des évangiles, ça ne fera de mal à personne.
Et ce qui compte, c’est que j’arrive à traverser cette épreuve. Moi, j’aimerais dire, mangez toutes les saucisses véganes ou pas du monde, sentez-vous à l’aise. À Zurich, je peux vous dire que tout va bien aussi. Et les réformateurs, je pense, ne vont pas se retourner dans leur tombe.
Conclusion
Merci, Joan, pour cette conversation sur le Carême. J’espère que votre Carême aura du sens. J’espère que vous allez continuer à cheminer avec nous et que vous allez partager un peu notre podcast pour rejoindre plus de personnes. C’est toujours très apprécié.
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